vendredi 22 août 2014

Le Petit Nocturne [Diane]

LE PETIT NOCTURNE

Si on parlait avec eux, on découvrirait sans doute que chez les chiens eux-mêmes il y a, sous leur forme canine, les déviances pathologiques du manque, de l’adoration, de la possessivité, voire de l’amour. Ce besoin. Cette maladie mentale. Est-ce que ça s’arrête un jour ?
Philip Roth, La Bête qui meurt


EXTRAITS DU GRAND LAMENTO PETIT NOCTURNE

            Faire l’amour (ou avoir un rapport sexuel) avec cet homme bleu était une expérience purement spirituelle, intégralement ressentie dans l’esprit et le corps, racontait-elle d’une voix tremblotante à son analyste. Son regard amer se posa sur le grand poster de Saturne accrochée sur le mur blanc. Cette photo était devenue célèbre pour avoir été la toute première image de Saturne prise depuis Titan. C’est dix milliard de fois la charge de plaisir que l’on peut prendre avec un homme de la Terre, même le plus sensuel ou le plus performant ajouta Adèle, d’une voix monotone. Elle soupira à cet instant en entrecroisant ses doigts, les mains jointes, comme pour signifier sa frustration, de ne pas avoir de mots justes pour expliquer avec exactitude, ce qu’elle ressentait véritablement. Lorsqu’elle était avec lui, l’homme bleu, son amant. Devant le miroir de sa salle de bains, elle pleurait régulièrement le visage rougit par la honte et son sexe dévoré par le désir d’être rempli à nouveau par son énergie extraterrestre si intense, comme une vague de glace qui procurerait un bien-être indescriptible.
            Judith ouvrit les yeux, se réveillant d’un sommeil peu efficace, sortie d’un rêve à la narration pauvre (elle faisait des courses dans un supermarché dans lequel des hordes de chiens déféquaient et copulaient dans tous les sens sans que personne ne s’en offusque. Le rêve finissait alors que des gens commençaient à paniquer parce qu’il n’y avait pas de sortie, tandis que le sol était jonché de saletés diverses qu’ils ignoraient complètement). Elle se gratta derrière l’oreille, nue dans son lit, s’étira comme un chat, et regarda l’heure. Son jeu habituel démarra : « il faut que je me lève. Lève-toi. Allez. Tu peux y arriver. Tu vas y arriver. Tu y arrives déjà. Tu y es déjà arrivée. C’est comme ça qu’on fait. Regarde.» De la main droite elle commençait à se doigter sérieusement, de la gauche, pris son portable sur sa table de chevet pour regarder ses nouveaux messages reçus pendant la nuit. La figurine d’un petit alien en plastique vert aux multiples yeux exorbités, posée sur sa commode Ikea attira son attention, et elle arrêta immédiatement de se masturber. C’était son petit frère qui l’avait oublié à sa dernière visite. Un élan irrépressible l’obligea à se lever, malgré elle. Elle eut l’impression de lever une masse de plusieurs tonnes, alors que ses côtes étaient saillantes, vue le poids conséquent qu’elle avait perdu en quelques semaines.
            Les êtres bleus venus de Sirius ne s’attachaient pas aux humains, comme leurs partenaires humains s’attachaient toujours à eux, surtout après une expérience sexuelle complète. Il n’y a jamais pénétration avec cet être bleu, dit Adèle à une amie curieuse un jour, et pourtant c’est comme si j’étais pénétrée… par plusieurs hommes à la fois. Entièrement, entièrement, et plus fort. Sans douleurs. Elle insista véritablement sur ce mot, «entièrement », le répétant d’une manière un peu obsessionnelle, en expliquant que c’était important que son amie comprenne. L’analyste lui avait conseillé de couper les ponts avec cet être qui était visiblement d’énergie masculine. Adèle lui avait répondu en souriant nerveusement, une flamme d’hystérie dans les yeux : « comment faites-vous rupture avec un individu qui peut se matérialiser à n’importe quel moment de la journée dans votre chambre, même simplement pour passer quelques minutes en coup de vent ? »
            Plus tard, elle regarda son calendrier sur son portable et y inscrivit la date de son prochain rendez-vous. Puis les années affichées dans le calendrier défilèrent : 2122, 2123, 2124, 2125, elle compta encore trois années, pour observer que cela faisait sept ans qu’elle était en analyse. Elle regarda au coin de la rue l’androïde policier aux yeux lumineux qui aidait les enfants à traverser, et retenait ses larmes tellement elle se sentait ridicule et avait envie d’arrêter, encore une fois, son analyse qui ne la menait nulle part depuis son divorce. C’était une sourde évidence.
            Des rumeurs circulaient, sur la volonté des extraterrestres de mélanger leur héritage génétique avec le nôtre. Ces rumeurs étaient parfaitement démenties par La Grande Sphère, source unique d’autorité politique pour les humains. La Grande Sphère précisait que l’évolution de l’Univers avait appelée à la rencontre entre espèces, issues de tous les coins de l’Espace-Temps sur notre Terre, qui avait bien des noms différents selon la race extraterrestre. Peu d’humains comprenaient le jargon utilisé par La Grande Sphère, souvent accusée de garder un contrôle mental abusif sur la population mondiale par quelques races extraterrestres pacifistes refusant, notamment, toutes interactions sexuelles avec les humains.   
            Il marchait dans le champ de blé. Il y avait à quelques mètres devant une voie ferrée. Elle marchait derrière lui en tenant un coquelicot. Le soleil se couchait, il n’y avait que le bruit d’un vent léger et chaud dans les feuillages des arbres, dans le blé, dans les hautes herbes. Quelques cigales, quelques criquets. Elle portait sa robe bleue avec de petites fleurs roses et blanches qu’il aimait tant. Elle avait une arme accrochée à la cuisse et attendait son moment, en se disant, que, cette fois encore, elle n’allait pas y arriver. Qu’elle aurait mieux fait de le baiser là à la place, comme elle avait si bien su en baiser des tas d’autres avant lui. Lui, si on ne lui mettait pas un doigt dans l’anus avant, il ne bandait plus. Sa jeunesse perdue.
            L’arrivée des extraterrestres de tous les points de l’univers changea socialement, avec radicalité, la sexualité des êtres humains, y compris dans leurs rapports entre eux. Les Lyriens ou encore ceux de Vega, les grands blonds, étaient les plus attirants du point de vue des hommes et des femmes de la Terre, parce qu’ils ressemblaient à de grands êtres humains magnifiés, parfaits. Ils avouèrent d’ailleurs s’être fait passer pour des anges, ou des mages, dans les temps antiques de l’humanité. Tous les extraterrestres n’acceptaient pas toujours les propositions sexuelles qui leur étaient faites. Mais certains en étaient les instigateurs. Ainsi, des rumeurs de partouzes dégénérées sont nées, en particulier dans la communauté qui fréquentait les êtres venus d’Orion et de la constellation du Cygne. Avant leur arrivée, la sexualité humaine ne se résumait plus qu’à une expression animale qui avait perdu de sa place centrale dans l’existence morale humaine. Après la grande tribulation décrite dans Le Grand Lamento des Sages Survivants, ce qui restait d’hommes et de femmes de la Terre s’était profondément désintéressé de toutes choses, en particulier de tout ce qui demandait l’effort d’un contact social, sentimental et/ou bien entendu physique. Les survivants, ceux qui n’avaient pas atteint un état de sagesse, avant l’arrivée des êtres venus de tous les points de l’Univers, attendaient « leur tour » comme un bon nombre d’entre d’eux le disait avec un cynisme mou et effacé. Avant l’arrivée des extraterrestres, il n’y avait plus rien à vivre comme si le temps s’était brusquement arrêté. Pour toi, pour moi. Pour nous tous.
            Judith descendit les marches en agitant sa jupe non repassée, elle en avait bien conscience. C’est là qu’elle le vit, encore. Ce type, à l’air slovaque. Qui devant la porte de sa voisine, Madame Fringus, une dame âgée, se branlait en grognant un peu. Il cacha son sexe en regardant Judith en coin, elle passa lentement derrière lui, le scrutant avec insistance, respirant son odeur de sueur prononcée, puis quelques étages plus bas, elle entendit à nouveau le bruit spécifique de la masturbation qui reprit, de la main qui agite le pénis, les doigts l’encerclant, ouvrant complètement le prépuce pour offrir le gland à l’extérieur, et tout cela très vite, avec quelques effets rauques de la voix d’un homme logiquement essoufflé, surtout quand il arrive au bout de cette course qui fera de lui un perdant complètement vidé, quoiqu’il arrive. Quoiqu’il puisse s’imaginer.
            Avoir une relation sexuelle avec un extraterrestre, donnait la sensation, enfin, d’appartenir à quelqu’un. Adèle n’avait plus ça avec un homme de son origine terrestre, et personne n’avait plus cela non plus avec une femme de la Terre, ni de lui appartenir, ni de l’avoir pour soi. Plus rien n’appartenait à plus personne.
            Ce qui était excitant pour certaines femmes et certains homosexuels, c’était la quantité de sperme produite par chaque éjaculation des Grands Blonds. On aurait pu remplir facilement la moitié d’une bouteille de coca avec. Même s’ils acceptaient rarement un rapport sexuel, spirituellement trop élevés pour la plupart d’entre eux, et donc, logiquement, peu concernés par les travers de la chair. Ce qui était également vrai, c’était que leur sperme ne pouvait, en aucune circonstance, être porteur de virus ou de maladies.

mardi 12 août 2014

La Chasse 2 [Maniak]

La pluie martelait le pavé et faisait briller l'asphalte sous les lampadaires. La masse sombre des immeubles se confondait avec le noir du ciel. Deux silhouettes se hâtaient dans les rues désertes. Au loin, le bruit d'un moteur grandissait. Les silhouettes se figèrent. Une voiture passa à toute vitesse dans une rue perpendiculaire avant de disparaître dans la nuit. Pendant un bref instant la lumière des phares éclaira le visage des deux hommes immobiles.
Le plus petit des deux cilla et regardait autour de lui avec anxiété. Il répondait au nom d'Éphialtès Trachis. Il était bossu et tentait de dissimuler sa tête sous une capuche. Il avait le visage de type méditerranéen. Quelques boucles mouillées tombaient sur son front. Sous d'épais sourcils noirs guettaient des yeux fuyants et enfoncés dans leurs orbites. Au milieu de sa face crevassée était planté un grand nez aquilin qui surplombait des lèvres épaisses et grossièrement tracées. Le visage se terminait avec un menton proéminent orné d'une barbiche pointue.
L'autre homme était un grand gaillard vêtu d'un treillis sombre et portant un sac à dos militaire lourdement chargé. Il avait les cheveux grisonnants et une barbe de trois jours assombrissait ses joues et son menton. Son visage anguleux était noirci au stick de camouflage et ses yeux bleu acier brillaient d'une lueur déterminée. Un regard de chasseur. A l'intérieur de sa veste, une étiquette portait le nom Jack C., un numéro de matricule et la devise « Who dares wins » des forces spéciales britanniques.
Éphialtès désigna une petite boutique aux vitres noircies où des néons roses formaient les mots « sex shop »
- Le sanctuaire se trouve derrière cette devanture. L'homme derrière le comptoir est un gardien immortel nommé Phaéton que vous ne pourrez pas vaincre. Mais il y a une trappe sur le toit qui permet d'entrer dans le sanctuaire sans passer par la boutique.
Jack jaugea l'immeuble où se trouvait le sex shop. Puis il regarda le bossu.
- Très bien, tu as bien mérité ta récompense Éphialtès.

Une partie de jambe en l'air [Kamo]

Tu es allongée sur le lit, nue, je vais me faire un thé. Il fait nuit, je suis à poil aussi. En mettant l'eau à chauffer, on discute, un quart d'heure plus tôt, on baisait. Je te dis qu'à un moment j'ai tourné la tête et par la fenêtre, en face, j'ai vu quelqu'un qui nous matait. En fait cette fille se touchait en nous regardant. J'avoue que ça me déplaît pas qu'on l'ait excitée. Je suis toujours à la fenêtre, je te regarde, allongée, alanguie même, sur le lit. T'es belle. Je commence à rebander. Je prends une chaise, je vais m'asseoir en face de toi, tu ne bouges pas. Et on continue à parler...
Tu te rappelles ce qu'on disait hier soir, sur toi qui te baladerais sans rien sous ta jupe ? Moi oui. Je nous imagine rentrant d'aller boire un coup, tu aurais viré ta culotte dans les toilettes du bar juste avant. On serait rentrés à pieds, par des rues tout à fait désertes. Parfois, je t'aurais poussée sous une porte cochère, pour te toucher, mes mains caressant tes jambes. La première fois, je t'aurais caressé juste les cuisses avant qu'on reparte. En t'embrassant, nos langues mêlées... Ensuite, sous un autre porche, mes doigts seraient un peu remontés, le long de tes fesses, pendant que tu avais pris ma bite déjà dure dans ta main. Je t'aurais sentie commencer à mouiller. La troisième fois, je me serais mis à genoux pour te lécher, doucement. Je t'aurais sentie tressaillir sous mes coups de langue. La quatrième, c'est toi qui te serais mise à genoux, avec une telle envie de me sentir dans ta bouche... Tu m'aurais sucé, longuement, avec appétit, et je serais venu là, sous une porte cochère, dans ta bouche, alors que tu aurais mouillé jusqu'à mi-cuisse.
Te raconter ça m'a donné une gaule énorme, probablement même que j'ai le sexe dans la main. De ton côté, tu t'es caressée pendant ce temps. J'ai vu ta main droite aller et venir sur ta chatte pendant que ta main gauche te tripote les seins. Je suis toujours sur ma chaise, je bande comme un fou, j'ai envie de toi, mais je bouge pas. Et quand tu fais mine de te lever, je te dis "Non..." dans un souffle, je peine à le dire. Alors tu te rallonges et continue à te toucher. Tu me dis que tu as hâte que je te lèche la chatte. Tu sais que je suis à moitié fou de désir, que c'est un effort dingue de rester assis et tu continues. Ma main va et vient doucement, les tiennes continuent ce qu'elles faisaient... Tu m'expliques que je vais te lécher, que tu as envie de sentir ma langue te fouiller. Tu dis "Je mouille...", tu dis que je pourrais te prendre, là, comme ça. Je reste sur ma chaise, j'en ai presque mal tellement je bande, mais c'est bon, aussi. Tu me dis aussi qu'après t'avoir léchée, tu vas me sucer, prendre ma bite en entier dans ta bouche, tu me parles de ces lents aller-retours que tu feras. Tu te mets même à quatre pattes, les fesses vers moi, je vois tes doigts qui rentrent dans ta chatte, je tiens plus, je me lève, je te pénètre, d'un coup.
Et je ressors lentement. Je reviens au fond et j'y reste. Tu te redresses en te cambrant. Tu lèves les mains, je les prends dans les miennes, je vais et je viens, mais c'est trop, je sens que je pourrais venir. Je tourne la tête et je revois la voisine d'en face. Tout à l'heure, elle était en culotte et T-shirt, cette fois-ci, elle a déplacé un fauteuil devant sa fenêtre et elle est nue. Elle se touche, jambes écartées, elle veut qu'on la voie aussi. Mais je préfère me retirer. Je t'allonge sur le dos, ta langue dans ma bouche, ma queue contre toi, puis je t'embrasse le cou, je descend vers tes seins, je mordille et je lèche tes tétons,je joue à les prendre dans ma bouche, je m'étends à côté de toi. Je lèche ton ventre, ma main te caresse les cuisses, puis mes doigts s'insinuent en toi. Ta main descend m'aider, mes doigts vont et viennent pendant que tu te donnes aussi du plaisir tout en me branlant lentement. Alors tu n'en peux plus, tu montes sur moi.
C'est maintenant que je te dis, pour la voisine, elle a l'air de bien s'amuser. Mais je préfère te mater, toi : Tu es bien droite, j'ai une main sur chacune de tes fesses, mes doigts se touchent dans ta raie. J'écarte ton cul, tu ne bouges plus, me laissant le soin d'aller et venir lentement. Tu lèves les bras, tu es magnifique. Tu gémis en rythme avec chaque coup de queue, puis tu te relèves, recules, me dit d'approcher, j'arrive, sur les genoux, tu as fait en sorte que la voisine ne perde rien de ce moment où tu me prends en bouche. Comme tu me l'avais dit, tu m'avales entièrement et tu me suces lentement. Tu me sors de ta bouche, aussi, par moments. Je sens ta langue, légère, partir de sous mes couilles pour remonter et finir par m'emboucher encore. J'ai envie de te toucher pendant que tu continues, alors je me déplace pour que la voisine puisse voir ta bouche comme mes mains. Je sens que tu es trempée.
Mais ça ne dure pas, tu m'écartes, te lèves, vas vers la fenêtre, je te suis. Tu as les mains sur le chambranle et tu te tiens juste assez éloignée de l'ouverture pour qu'on ne nous voie pas de la rue mais qu'en face elle ne perde rien du spectacle. Tu as les bras ouverts, les jambes ouvertes, je suis derrière toi. Tu gémis quand je rentre, et mes va-et-viens sont presque brutaux, j'accélère, tu cries. J'accélère de plus en plus, mais tu m'arrêtes, tu n'as pas envie de finir là. La voisine se tortille sur son fauteuil. Et s'arrête. Pour elle, c'est bon, elle rentre.
Mais nous, on n'en a pas fini. Tu te tournes, me pousses contre le mur, puis tu me repousses pour TE mettre contre le mur. Tu m'appuies sur la tête. Je m'agenouille, pose mes mains sur tes fesses, t'attire à moi. Tu es adossée contre le mur, tes jambes écartées et avancées, tes fesses décollées de celui-ci. Tu sens ma langue sur ton clitoris, puis elle descend, entre en toi, reviens lentement. Nom de dieu comme tu mouilles, j'en ai plein le visage. Tu ondules sous mes coup de langues, ta main se crispe sur ma tête, je suis à un cheveu de venir, sans même me toucher, juste à te sentir prendre du plaisir. Alors je me relève, te soulève, une jambe dans chaque main et te fais descendre sur ma bite. Tu avais les bras autour de moi, tu griffes mon dos.
Je te ramène sur le lit, Et on est là, tu es sous moi, je suis serré par tes bras et tes jambes. Je me libère, me redresse. Tu refermes tes jambes devant moi, toujours pénétrée. J'appuie un peu dessus pour entrer plus profond. Je me soulève un peu, profite de mon poids pour aller et venir à grandes saccades. Tu rouvres les jambes, me réattires à toi. Je passe mes bras sous les tiens, agrippe tes épaules pour plus de force, tu cries de plus belle, mais c'était pas ton idée, alors tu fais en sorte de me retourner. Tu es sur moi, tu poses tes pieds à plat de chaque côté de moi, qui suis allongé. Tu te lèves, je sors presque. Tu restes comme ça deux ou trois secondes, je gémissais déjà depuis le début, mais là, ça devient presque des grognements. Et tu redescends. Tu accélère le mouvement, je viens en criant. Et tu viens aussi en me sentant décharger en toi. Et tu t'affales sur moi.

Épilogue 

Le lendemain, on sort... Et on croise la fille d'en face avec un gros sac à dos. Elle est très ordinaire, a l'air sympa quand même. Elle dit : "Merci pour hier soir, c'était ma dernière nuit ici, je repars chez moi, c'était un échange d'appart pour les vacances." "Ça nous a fait plaisir aussi." Et voilà, personne n'a demandé le nom de l'autre, on se reverra jamais.

lundi 11 août 2014

Denis Noodle et le sexe [Southeast Jones]

I


- Je ne doute pas que votre addiction soit un handicap dans votre vie de tous les jours, mais en admettant que cela soit possible, la solution que vous proposez ne risque-t-elle pas d’aggraver les choses ?  

- Vous êtes l’un des chirurgiens les plus compétents qui soient, l’un des plus chers aussi, vous vous targuez de pouvoir réussir n’importe quelle opération, ne vous préoccupez pas des conséquences, j’ai déjà songé à ma reconversion. Je n’ai qu’une question à vous poser : pouvez-vous le faire ?
- Il me faudra du temps pour trouver le matériel compatible, je devrais faire des simulations, mais la redirection des stimuli aux bonnes terminaisons nerveuses ne devrait pas poser de problème majeur. Je m’inquiète plutôt pour l’impact psychologique qu’auront sur vous ces changements pour le moins peu orthodoxes. Dans un certain sens, on peut parler de transhumanisme, vous…
- Oui ou non ?
- Bien sûr que oui.
- Combien de temps ? 
- Donnez-moi six mois, je vous recontacterai.


***


          Denis Noodle serra la main du docteur et un large sourire aux lèvres, décida de se promener un peu avant de rentrer au Noodle Building. Chemin faisant, il agressa une petite vieille, la viola par devant, par derrière et à peine assouvi se jeta littéralement sur un passant qui n’en demandait pas tant, le cher homme refoulait son homosexualité depuis plus de trente ans. Il leur laissa sa carte, ainsi que le numéro de téléphone de son avocat, les assurant que quelle que soit la somme réclamée en compensation, elle leur serait versée sans discussions.
         La police fut appelée à la rescousse par des badauds, mais ils savaient déjà à qui ils avaient à faire, qui d’autre que Denis Noodle serait assez fou pour violer quelqu’un au beau milieu de la rue ? Bien sûr, ils prirent leur temps, Monsieur Noodle avait une sainte horreur d’être interrompu dans ses ébats. L’un des agents arborait un splendide coquard, un autre se massait une épaule visiblement luxée. La bagarre au commissariat avait été rude, on comptait une demi-douzaine de blessés dont certains seraient en incapacité de travail pour plusieurs mois. Les apparitions de Noodle occasionnaient toujours de graves échauffourées, dans ses bons jours, le cher homme savait se montrer très généreux.  Les heureux vainqueurs se frottaient mentalement les mains, imaginant déjà le chèque à quatre zéros qu’ils ramèneraient ce soir à la maison.. Comme il se doit, un délégué syndical les accompagnait. Ce serait lui qui aurait les deux plus gros chèques, le premier à son nom et l’autre pour les orphelins de la police.
          En bon et honnête citoyen, cigarette au bec, Noodle les attendait calmement appuyé contre  le capot de sa berline. Il signa les chèques avec le sourire, plaisanta un peu avec le délégué syndical puis monta dans sa voiture, ce petit exercice lui avait donné faim.
Il dîna sobrement d’une salade César et d’une bouteille de Chardonnay californien. Il ne put s’empêcher de peloter la serveuse et se sentant de nouveau très excité, lui proposa un pourboire de cinq mille dollars pour qu’elle accepte de se coucher sur la table. Il fut très étonné, presque choqué, de la voir refuser, mais une dame obèse assise à une autre table lui proposa une fellation pour la moitié de la somme. Haussant les épaules, Noodle tomba le pantalon et introduisit son membre, qu’il avait énorme, dans la bouche gourmande de l’heureuse élue. Pendant qu’elle s’affairait, il but un excellent cognac et alluma un somptueux et coûteux Montecristo. Comme il éjaculait, il réussit un splendide rond de fumée.
Denis Noodle était un homme d’une exquise politesse, il la remercia et rédigea le chèque promis en lui offrant son plus beau sourire.
          Alors qu’il rentrait, son dogue allemand vint lui faire la fête, il n’en fallut pas plus pour réveiller sa flamme. Une fois de plus, Noodle regretta de ne pas avoir choisi une femelle, il allait certainement encore se faire très mal, mais comment résister à ces fesses poilues et rebondies ? Peut-être qu’en utilisant de la vaseline ?
Il était près de dix-sept heures, il téléphona à son agence d’escorts habituelle et demanda qu’on lui envoie une dizaine de filles. La nuit fut belle, agitée et courte. Il s’était déjà masturbé trois fois lorsque son majordome lui apporta son petit déjeuner à sept heures.
Ainsi était la vie de Denis Noodle, sex addict et perpétuellement insatisfait.


II


       
         L’opération dura dix-huit heures, pour l’occasion le docteur Turnbull avait réuni sept chirurgiens, la crème de leur profession. Il avait peiné pour les convaincre d’accepter, on l’avait traité de fou, de nazi, quelques uns en avaient même appelé au Conseil de l’Ordre, en vain. Denis Noodle donnait sans compter pour la recherche médicale.
L’opération fut une parfaite réussite, mais le résultat était étonnant.
Noodle avait demandé à être placé en coma artificiel, tant pour éviter les douleurs post-opératoires que pour se réveiller parfaitement fonctionnel. Turnbull attendait ce jour avec impatience, il était curieux de voir la réaction de son patient.
         Le grand jour était arrivé, une meute de journalistes se trouvait devant la vitre d’une chambre de réveil spécialement aménagée pour l’occasion. Turnbull buvait du petit lait.
- C’est une première mondiale, Docteur, pouvez-vous nous expliquer en quoi elle a consisté et ce qui vous a poussé à accepté de faire cette opération ?
- Le patient ressentais une immense souffrance psychologique, imaginez que son extraordinaire constitution lui permettait d’être continuellement en érection ; il était capable d’avoir plus de trente relations sexuelles par jour sans éprouver plus de satisfaction que vous n’en n’auriez à sauter bobonne chaque jour de la même façon depuis vingt ou trente ans. C’était un violeur, courtois et honnête, je vous le concède, mais un violeur quand même. Ses victimes se comptent par centaines. Il est heureux pour lui qu’il compte encore plus d’amis chez les hommes les plus influents de ce monde. Bref, l’opération a consisté à lui greffer des pénis aux endroits qu’il m’avait indiqués. Il en a un à chaque doigt, un au dessus du coccyx, un autre sur le front, c’est celui dont je suis le plus fier. Tous sont reliés à l’hypothalamus latéral, j’ai du créer de nouvelles terminaisons nerveuses et les agencer de façon à ce que les orgasmes soient synchronisés. Il n’y aura bien sûr pas d’émissions séminales, je ne vois pas comment j’aurais pu en plus lui greffer des testicules.
A bien y réfléchir, peut-être que…
Il prit rapidement quelques notes avant de poursuivre.
- Cette opération a fait de lui un autre homme, j’en sais un peu plus aujourd’hui sur sa reconversion. Il a acheté la plupart des maisons de production pornographique de cet état, il sera à la fois producteur, scénariste et acteur, en fait, le seul de sa nouvelle maison, excepté les seconds rôles recrutés pour les films gays. 
- Il est toujours dans le coma ? demanda une jeune femme.
- Non, il est en phase de réveil, regardez, il vient de changer de position. Ses paupières bougent, je pense qu’il rêve. N’est-il pas magnifique ? Voyez comme il a l’air heureux, on dirait un enfant, il suce son pouce.


          


Climax [Nosfé]

Elle bascula de son côté du lit, releva les draps rêches sur sa peau nue et froide. Engluée dans la transpiration de cet homme sans visage qui pouvait être son mari ou n'importe quel autre amant, elle se sentait sale et puante. Lui s'était évaporé dans la lumière aveuglante de la salle d'eau, et revenait maintenant, lourd et soufflant comme un pachyderme, pour s'allonger dans ces draps moites, de son côté, et, sans un mot pour elle, bientôt sombrer dans un sommeil épais.
Immobile, écoutant le crissement métronomique de sa propre respiration, elle ne dormait pas. Le gémissement animal de l'homme, tout à l'heure, lui avait fait l'effet d'une libération. Ce cri avait soulagé son corps d'une épreuve, son esprit d'une honte intime. Le pistonnage avait cessé, et ensuite, la carcasse s'était écroulée, dégonflée comme une baudruche remplie d'os, et la sensation gluante en elle de s'évanouir en même temps.
Les yeux écarquillée, elle observait les abysses d'obscurité de cette chambre aveugle. Une douleur, comme une faim infinie, naquit dans son bas-ventre qui n'avait jusque là rien ressentit. Elle frissonna. Elle n'avait pas pris le moindre plaisir, pas vu éclore en elle la moindre étincelle d'excitation. Elle était resté d'une sécheresse mortuaire, frigide et réfractaire.
Cette nuit, le sommeil ne vint pas la prendre.
*****

Les Pornographiens [Herr Mad Doktor]

Dès qu’il vit débarquer les trois lolitas dans sa boutique, l’épicier sentit qu’il allait au-devant de problèmes. L’une portait un micro-short bleu bébé, l’autre une mini-jupe rose bonbon, la dernière un jean troué d’où dépassait la ficelle d’un string vert ; toutes étaient maquillées comme des boules disco ; aucune n’avait jugé utile d’enfiler un soutien-gorge.
Par-devers lui, le commerçant nomma ses clientes “Mesdemoiselles Bleu, Rose & Vert”. Il leur donnait une vingtaine d’années, mais il se doutait que leur accoutrement égarait son jugement.  
Roulant des yeux autant que des fesses, le trio papillonna un long moment dans le magasin sans but apparent, prenant des articles au hasard et les examinant avec désinvolture, avant de les reposer deux étagères plus loin. Seul le rayon “soins du corps” retint durablement leur attention ; en particulier les préservatifs et les gels intimes, qu’elles se passèrent de main en main d’un air expert.
Soudain les gestes se firent vifs. L’épicier n’entendait pas la conversation, mais il comprit que Vert avait mis Rose au défi de faire quelque chose. Une bêtise à n’en pas douter. La réponse ne tarda pas : aidée par une courte échelle de Bleu, Rose attrapa un objet sur la plus haute étagère du rayon (pas l’ombre d’une culotte sous la mini-jupe...), puis sauta à terre en brandissant son trophée : un godemichet pourpre de taille XXL, se balançant mollement sur son socle, comme une quenelle de gélatine. Le marchand identifia le modèle “Cthulhu”, une pièce rare et chère moulée à même l’organe d’une star du cinéma, très prisée des connaisseurs.   
Vert reconnut sa défaite d’un haussement d’épaules, mais Rose refusa d’en rester là : le gode plaqué sur son front, elle fit mine de charger la vaincue. “La liporne va exercer sa vengeaaaaance ! cria-t-elle. Mort à la cellulite !” Vert lui tendit sa croupe de bonne guerre (à travers les trous du jean, le commerçant eut bien du mal à distinguer la moindre trace de cellulite) et se laissa culbuter à plusieurs reprises, ponctuant chaque impact d’un pet aigu, tandis que Bleu, hilare, battait des mains.
Suant sur son séant, l’épicier s’efforçait de se concentrer sur sa comptabilité, mais son regard déviait sans cesse vers la parodie de corrida...
Des hurlements retentirent. D’un coup de dents agile, Vert venait d’arracher le gode du front de Rose, sur le dos de laquelle avait grimpé une Bleu d’humeur bagarreuse. La cavalière et sa monture écornée plongèrent illico sur la voleuse, et les trois nymphettes roulèrent à terre en gloussant. A quatre pattes, elles se disputèrent le sextoy comme des chiennes un bout de viande, qui griffant, qui pinçant, qui mordant, sans cesser de japper et de rire bêtement. Dans la bataille, le jean de Vert fut déchiré de part en part, aussi décida-t-elle de s’en délester ; à bien y regarder, son string était plus jaune pâle que véritablement vert, mais l’épicier ne corrigea pas le surnom de la demoiselle pour si peu. Vert lui allait si bien au teint...
Bien que le pugilat mît un désordre monstre dans ses rayons si soigneusement agencés, le pauvre homme n’osa pas intervenir, tétanisé qu’il était derrière son comptoir. Ces dernières années, la délinquance avait pris des proportions inquiétantes dans le quartier… Nombre de ses collègues en avaient fait les frais et en conservaient un profond traumatisme. Certains avaient même définitivement fermé boutique, impuissants.

839 [Gallinacé Ardent]

839
-          Suivant !
  L’homme rentre dans la pièce. Dans un coin, un compteur à cristaux liquides indique le chiffre : 839.
  Le nouvel arrivant est le 839ème individu de sexe masculin à rentrer dans cette pièce dans les dernières 36 heures. Il est l’un des participants du plus grand gang bang de l’histoire de l’humanité, organisé par Déborah Reeves, la star du porno mondialement connue. Le  principe : chacun entre à tour de rôle, pénètre l’actrice, éjacule, et repart. Le but : battre les plus grands records de gang bang, c’est-à-dire celui d’Annabel Chong (251 partenaires), Jasmine Saint-Clair (300), Houston (620 en vingt-quatre heures), et finalement, la cible à abattre : Lisa Sparxxx (919).
  Tout de suite, c’est la déception  pour l’homme qui vient d’arriver : la pièce est un peu trop peuplée à son goût. Il y a d’abord quelques chaises au fond, où sont assis quelques représentants de l’industrie du porno. On reconnaît Jack Horner, le célèbre producteur, pygmalion de Déborah, l’homme qui l’a vraiment introduite dans le milieu, Justin Goat, son mari, véritable maquereau qui la pousse, dit-on, à se dépasser sans cesse, et deux autres que le gang-banger amateur ne connaît pas. Tout le monde a l’air bien fatigué, Jack Horner bâille ostensiblement. Près du lit géant, une table, où s’appuie l’huissier chargé de valider l’exploit. Il a un chronomètre et un grand nombre de papiers étalés devant lui. Il a l’œil morne et sa bouche lippue crie pour un hamburger.
  Autour du lit, un jeune homme en blouse blanche prend le pouls d’un bras qui dépasse des draps. Il y a à son côté tout un appareillage d’hôpital, dont les diverses fonctions sont inconnues de l’arrivant. Dans un coin, un jeune stagiaire à lunettes et en blouse, plutôt que de s’intéresser au sort de la personne qu’il est chargée de surveiller, préfère jouer à une console portable, ce qui relève d’un pur scandale médical. Il tape du pied machinalement, en rythme avec la musique de film porno diffusée par des hauts-parleurs.
  L’homme est gêné par tout ce monde. Où est la femme ? Sa nudité lui fait sentir sa vulnérabilité : il va falloir assurer, et bien, face à tous ces blasés qui assistent au même acte répété sans nuances depuis une journée et demie ! Il s’avance donc vers le lit, et hésite un instant. Une odeur musquée, semblable à de l’urine de chat, flotte dans l’air, mélangée à une senteur plus sucrée, relique certainement du parfum de la star. Les draps, en désordre, sont souillés de déjections diverses, et dans un état de malpropreté considérable. Un vieux préservatif traîne là, comme un poisson des grandes profondeurs égaré là par erreur. On devine les contours d’un corps à travers le drap. Le jeune docteur, sans expression, soulève le tissu comme pour montrer un cadavre à la morgue. Enfin le numéro 839 l’aperçoit : Déborah Reeves !
  Il s’agit d’un corps à la fois rigide et flasque, posé là comme un paquet. Aucun mouvement n’agite la surface de cet épiderme donné à voir. Il est constellée de marques de doigts. Des meurtrissures et quelques bleus tachent la blancheur éclatante d’une peau lisse. Le seul signe de vie est donné par une poitrine bombée artificiellement qui se lève et retombe lourdement à chaque expiration. Un sifflement s’échappe d’une bouche occultée par un masque à oxygène que le jeune médecin maintient. En même temps, une maquilleuse est là, à souligner les sourcils rasés d’un trait noir. Le stagiaire à lunettes, délaissant sa console, s’approche de la masse inerte armé d’une seringue. Il pique la femme à l’avant bras, le liquide se répand dans la veine. Une tremblement agite la chair, elle se hérisse, et enfin le corps bouge un peu. Les jambes s’écartent, et l’homme ressent une désagréable surprise.
  Jamais sexe de femme n’aura ressemblé plus à un steak. Des lèvres charnues, semble-t-il taillées dans la chair d’un mouton malade, grosses comme des langues de bœuf, dégoulinent de pus, et une petite tâche de sang est visible sur le drap. Le tout a l’air d’une plaie vive, d’une blessure d’écorché qui est en train de se gangrener. Des fluides glaireux, issus des expectorations d’un tuberculeux maculent la toison en ticket de métro. On peut apercevoir de petits boutons d’irritation rouges pulluler autour du sexe.
  Décontenancé, l’homme détourne la tête. Déborah Reeves le contemple sans aménité. Elle affiche un air blasé, absolument indifférent à tout, des yeux morts de mérou adipeux. La bouche se plisse en un sussurement muet, semblant dire « tu viens, chéri ? ». Où est passée sa Déborah Reeves, celle dont il a tant rêvé en se masturbant les soirs dans son lit ? Celle qu’il a de toute éternité songé à culbuter si jamais l’occasion lui était donnée ? Celle qui surpasse de loin toutes les filles avec qui il ait jamais couché ? Elle est là, devant lui, et ce n’est plus qu’une femme épuisée, sans envie, aboulique. Il a soudain envie d’être humain avec elle, de la prendre dans ses bras, de la réconforter, de lui dire que tout va bien se passer. Elle s’adoucira, il lui dira des mots doux, et ils feront l’amour tendrement. Mais non... Il n’est pas venu pour cela. Il veut baiser, c’est tout.
  Comme en écho à sa pensée, la bouche de l’actrice se fend en un sourire difficile : on dirait qu’elle a du mal à mobiliser ses muscles pour faire prendre une expression de séduction à son visage. Visiblement, elle n’ira pas plus loin pour enjôler son partenaire, et sa tête retombe lourdement. Sans broncher, elle écarte ses jambes, mais ce geste est machinal : elle n’aide en rien la pénétration, se contente de la subir.
  L’homme se tripote pour se donner un peu de cœur à l’ouvrage, et réajuste son préservatif. Il remarque une petite poubelle au pied du lit, qui déborde de capotes usagées.
  Il s’introduit, d’un coup sec, et commence à la besogner. Elle regarde le plafond avec l’air mélancolique d’une ouvrière à la chaîne de l’usine Ford qui est exténuée mais sait que la relève ne viendra pas de sitôt.
  839 s’énerve. Tout se déroule très différemment de ses prévisions. Il avait rêvé d’une séance intime avec une actrice radieuse, un petit film porno pour lui tout seul en fait, et dont il aurait été la star. Mais vraiment, autant essayer de baiser un morceau de flan ! Il se maudit d’avoir eu à passer aussi tard, après 36 heures de ce marathon absurde, imbécile et douloureux pour la jeune femme. Elle a du être convaincue à la fois par son mari et son producteur de faire cette publicité démente. Pris d’un surcroît de rage, il se cambre encore plus en elle : tant qu’à jouir en elle, qu’il lui fasse mal, qu’elle se souvienne. Qu’elle se souvienne de lui. Il se dandine en tirant la langue, il grimace, tiens, tiens, mais autant enfoncer un tuyau dans une motte de beurre, ça fait pratch-pratch vaseusement. Le bruit est agaçant, le lit couine mais pas la femme. Les hauts-parleurs diffusent inlassablement de la musique d’ascenseur, véritables fosses à purin de la mélodie mondiale.
Jack Horner s’est endormi, et ronfle légèrement. Quant au mari, il lit un magazine d’automobiles, avec derniers modèles au banc d’essai. Le jeune stagiaire s’est replongé dans son jeu. L’huissier regarde son chronomètre. Aucune expression sur son visage. Le jeune médecin joue avec un stylo. Un des assistants, petite tête de rat et catogan, se cure le nez.
  Il n’y pas d’autre bruit que le grincement régulier du matelas. Tous semblent attendre que l’homme ait fini. Il s’agite de plus en plus, la jouissance monte.
  Ses yeux accrochent une machine posée sur une table, qu’il n’avait pas remarquée. Il n’a pas de mal à reconnaître l’engin, qu’il a déjà vu dans des fictions à la télévision. Il s’agit d’un défibrillateur, utilisé pour relancer un cœur arrêté par des secousses électriques de très haut voltage. La présence d’un tel instrument le dérange, l’interpelle : que vient-il faire ici ? Mais Déborah Reeves devance toute interrogation : elle souffle, très bas, « continue ». Ses yeux se révulsent soudain, un filet de sang coule du nez de l’actrice.
« C’était à prévoir » dit posément le jeune docteur. « Attendez un instant. Sans bouger » lance-t-il à l’intention de 839, qui s’immobilise, embarrassé du gros corps sous lui. Le praticien s’approche calmement de la star, lui met un peu de coton dans le nez, essuie le sang avec une serviette, passe un peu l’éponge sur le front luisant de sueur, et lui fait avaler un gobelet d’eau. Le regard du médecin croise celui du gang banger, qui se sent désarmé par ces yeux froids.
«  Vous pouvez continuer » dit le docteur.
  839 est désemparé. Il se sent amolli (malgré le Viagra ingéré une heure avant). Et surtout, il n’ose plus continuer avec autant de force qu’auparavant. Peur de faire mal, à présent. Alors il donne de tout petits coups de souris, schliff schliff, tout menus menus. Mais ça ne va pas non plus, c’est grotesque, il ne faut pas se retenir. L’autre ne bouge pas... Il a l’impression de violer une femme dans le coma.
« Grouille-toi petit pédé » John Goat a parlé. « Tu la finis et tu dégages ». Voix sifflante, étonnament aiguë. 839 s’active, cherche à atteindre le point de non-retour. Jute et tire-toi. Dans un sursaut, il arrive à intercepter le regard de sa partenaire. Son visage est beau et défait, elle reste une femme superbe. Dans sa jouissance, l’homme la voit avec l’éclat d’une morte. La fatigue et l’usure de son corps ne lui ont pas encore bouffé le visage. Elles n’arriveront pas à en venir à bout, elles l’encerclent, mais sa tête reste finement ciselée, à l’abri de la transformation en barbaque qui lui affecte le corps. Déborah Reeves a les yeux fermés, elle semble plongée à l’intérieur d’elle-même, absente à ce qui l’entoure, inexpugnable dans un monde où le plus osé des films pornos ne pourra jamais pénétrer. L’homme jouit en 7 grands traits, d’intensité décroissante, progressivement écoeurants.
« Pas trop tôt ». John Goat. « Dégage ».  
839 dépose ses lèvres contre celles de la jeune femme. La langue de l’homme n’arrive pas à passer la barrière des dents, qui ne se décolleront pas. Il détache sa bouche, murmure à son oreille « Merci. » Puis plus bas, pour lui seul : « mon amour ».
L’instant d’après, des bras saisissent 839, le décrochent, le relèvent et le jettent vers la sortie. A poil. Le médecin a juste le temps d’agripper la capote sur le sexe, et la fout à la poubelle. La porte claque. L’homme se retrouve au vestiaire. Il y a d’autres hommes. Ne pas croiser leurs regards, ne pas croiser leurs regards. Tous se rhabillent, la certitude du crime au ventre. Complices de meurtre.
  L’huissier a rajouté une croix sur sa liste.
  Déborah Reeves est ailleurs. Elle reste les yeux ouverts, tournés vers le plafond. Une larme coule dans son oreille.
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  Un homme rentre dans la pièce. Dans un coin, un compteur à cristaux liquides indique le chiffre : 840.