Il
était
une fois, dans un quartier discret d’une métropole anonyme, une
jeune femme réservée qui entre ses cuisses épuisait ses espoirs et
ses doigts.
Sous
ses draps noyés de sueur salée et de cyprine sucrée, elle
s’efforçait de déverrouiller le loquet qui retenait son plaisir.
Suzanne
était son nom, mais devant la sonorité désuète d’un tel
patronyme, sa famille, ses amis, ses collègues de la bibliothèque,
tous l’appelaient Suzie, et personne ne connaissait son épineux
problème.
Suzie
avait beau être introvertie, elle avait eu assez d’amants et de
petits amis pour se faire une idée des paramètres.
Elle
avait expérimenté les plaisirs solitaires avec les copines à l’âge
des poussées d’hormones et des excès de sébum.
Il
y a peu, elle avait écarté l’idée d’une homosexualité
refoulée.
Elle
avait beaucoup lu, s’était énormément renseigné sur la
sexualité féminine, avait appris l’existence de ses glandes de
Skene ; elle avait découvert que toutes les femmes éjaculaient
au paroxysme de la jouissance, qu’on ne pouvait pas être
pathologiquement clitoridienne ou vaginale, et que tout individu,
même mâle, était biologiquement capable de ressentir le plaisir
anal. Les seuls blocages résidaient dans la tête, et la qualité du
partenaire.
Elle
était passée de la dépression à la colère, de l’angoisse à la
résignation.
Elle
avait connu une sexualité complète, en un sens épanouie, entre les
bras de garçons fébriles et sous ses propres caresses, et pourtant
ses ébats restaient désespérément dénués d’orgasmes.
Elle
avait des sensations malgré cela bien sûr, et remerciait chaque
jour la providence que les femmes, au contraire des hommes, puissent
être satisfaites sans aller au bout de leur plaisir.
Mais
impossible de mettre la main sur ce climax tant espéré ; et
tant prôné par ses amies qu’elle devait feindre de le connaître
sur le bout des doigts pour ne pas perdre la face.
À
25 ans, Suzie se demandait si l’annonce précoce de sa stérilité,
qui avait mis fin au même moment à ses velléités initiales de
maternité et à son couple, n’avait pas également mis
inconsciemment un frein psychologique à sa capacité à jouir. Ou si
elle n’était pas tout simplement tombée jusqu’ici que sur des
incapables pleins de bonnes intentions.
Mais
ce délicat souci perdurait depuis son adolescence, et son inaptitude
à se faire grimper d’elle-même au rideau lui faisait aujourd’hui
penser que personne n’était responsable, si ce n’était elle.
Timide
jusqu’à la honte, elle finit pourtant par en parler à travers les
voiles de l’Internet. Mise en confiance par le relatif anonymat que
lui offrait le web, elle se confia sur un forum médical, en sachant
pertinemment qu’il faudrait faire le tri entre les vrais conseils
et les affabulations péremptoires.
Au
milieu des propositions indécentes et des piques
pseudo-humoristiques, elle trouva le témoignage
d’Alice_in_Wonderland83 qui disait ne plus jurer que par les jouets
sexuels. Si possible électriques. Elle précisait avoir toujours eu
du mal à trouver son bonheur autour des cuisses d’un étalon, et
une sacrée flemme à la seule idée de s’échiner manuellement
jusqu’aux limites de l’irritation. La découverte des godemichets
vibrants et autres engins de plaisir avait été pour elle une
révélation.
Eurêka !
s’écria Suzie devant son écran en titillant machinalement son
clitoris sans plus d’effet qu’une visite chez un gynécologue
septuagénaire.
Pourquoi
n’y avait-elle pas pensé plus tôt… Un tout nouveau monde
s’ouvrait à elle, et elle décida de grimper sur sa liporne pour
pénétrer le royaume des sex-toys.
Pendant
plusieurs mois, elle écuma tout ce que la toile faisait de
vibromasseurs, en prenant grand soin de scrupuleusement étudier les
articles et avis de consommatrices à leur sujet. Boule vibrante,
canard en plastique, modèle standard, gode réaliste en silicone,
modèle Magnum à trois vitesses, jusqu’au célèbre Rabbit, toute
la panoplie passa entre ses lèvres avec autant d’excitation que
d’appréhension. Et si elle ressentit bien un plaisir plus
consistant que lors de ses précédentes tentatives, aussi bien
solitaires que partagées, elle s’arrêtait généralement frustrée
après plusieurs dizaines de minutes, de peur que sa peau lâche
avant les piles.
L’intention
était là, elle était proche du but, mais si les vibrations sur les
terminaisons nerveuses de son clitoris, et à l’intérieur de son
vagin, étaient effectivement source de grandes vagues de plaisir, la
force et la vitesse des stimulations restaient insuffisantes pour
l’amener jusqu’à l’orgasme. Même le Magnum 3 vitesses, s’il
dépassait en largeur et profondeur tout ce qu’elle avait pu
connaître jusque-là, ne parvenait à la faire décoller par
pulsations.
Pour
Suzie, ce n’est pas la taille qui comptait, mais la vélocité.
Jusqu’à
ce matin de septembre dont le froid venteux piquetait déjà les
peaux, et faisait pointer les mamelons, ce qui ne déplut pas au
facteur quand elle vint réceptionner en pyjama léger le mystérieux
colis qu’il lui apportait.
Un
petit paquet carré, sans signe distinctif autre que sa propre
adresse, qu’elle retournait maintenant en tout sens dans la chaleur
de son appartement. Las, elle n’attendait aucune marchandise, et
impossible de savoir qui lui avait envoyé ce colis.
Elle
termina donc de se réveiller dans un grand bâillement, et s’assit
dans son canapé d’angle pour avoir une réponse à ses
interrogations.
Derrière
le banal carton, elle trouva une boite à couvercle fuchsia, comme
faite pour y ranger des chaussures d’enfant, ainsi qu’un mot sur
un post-it, qui disait simplement :
« De
la part d’un ami. Bonne journée. »
Suivi
d’un smiley approximatif qui clignait de l’œil.
Intriguée,
elle ouvrit la boîte et tomba nez à nez avec un vibromasseur d’un
rose étincelant, et d’une forme inhabituelle. S’il était d’une
taille moyenne, voire plus réduite que les modèles usuels (il ne
devait pas mesurer plus de 10 centimètres), son aspect tubulaire se
resserrait, puis s’évasait à son extrémité avant de s’arrondir
généreusement, sans pour autant singer la silhouette d’un sexe
masculin, lui donnant de petits airs de quille de bowling.
Seulement
il y avait aussi les aspérités. On dénombrait tant de picots doux
érigés et de branches miniatures sur sa surface, que l’objet
avait finalement l’allure d’un cactus indolore taillé dans le
silicone.
Elle
ne trouva aucun mode d’emploi, aucune indication d’une provenance
ou d’un compartiment à piles, seulement un bouton on/off à sa
base, accompagné d’un petit curseur de vitesse qui allait de 0 à
100.
Suzie
resta plantée là, le gode dans les mains, pendant une bonne minute,
les sourcils alternant entre le froncement dubitatif et le haussement
étonné. Elle le retourna dans tous les sens sans vraiment chercher
un indice en particulier, simplement décontenancée par cet objet
dont elle n’avait jamais eu vent malgré ses recherches poussées,
envoyé par un (une ?) mystérieux inconnu, et qui n’avait
pour seul signe distinctif que son nom, l’Aphrodite 5000, fièrement
arboré sur son socle en petits caractères dorés.
Nous
étions samedi, la bibliothèque était fermée, Suzie était libre
de toute occupation planifiée, et elle passa ainsi toute sa journée
à hésiter devant ce vibromasseur sorti de nulle part. Elle n’y
avait plus touché depuis le déballage du colis, et il trônait sur
sa table basse orgueilleusement dressé vers le plafond comme s’il
attendait déjà un réceptacle.
Son
salon se trouvant au centre de l’appartement, elle le croisait dès
qu’elle passait d’une pièce à l’autre, et le manège était
toujours le même. Son entrejambe salivait d’avance et pulsait
comme un ventricule, transmettant l’appel instinctif de la chair,
puis son cerveau tentait d’éponger ses moiteurs en faisant preuve
de raison. Son corps lui susurrait que ce cadeau lui avait forcément
été envoyé pour la libérer, et son esprit tempérait l’excitation
en arguant que, quand même, c’était un peu louche et qu’il
fallait se méfier.
Mais
l’offre créant la demande, et l’envie de savoir une excitation
plus efficace qu’une cure de guarana, sur les coups de dix-huit
heures ses jambes flageolaient et elle en était à sa deuxième
culotte de la journée. Aussi décida-t-elle d’en finir et de
tenter le coup sur-le-champ.
Après
tout elle n’avait rien à perdre si ce n’était vingt minutes
improductives de plus.
Elle
ferma tous les rideaux, éteignit la lumière, débrancha le
téléphone, verrouilla la porte. Elle se barricada comme si elle
était sur le point d’ouvrir l’Arche d’Alliance, et se mit en
condition dans une ambiance feutrée à peine éclairée par le
soleil déclinant de septembre. Elle retira chaussures, chaussettes,
pantalon, ses sous-vêtements déjà trempés, et s’assit cul nu
sur le canapé, les jambes légèrement écartées face à son futur
camarade de jeu. L’excitation mêlée d’appréhension avait
enflammé son corps, et son sexe était brûlant au toucher. Elle
s’empara de l’Aphrodite 5000 d’une main et pelota
vigoureusement son sein gauche de l’autre pour se mettre en
condition.
« Allez
mon pote, souffla-t-elle en ajustant le curseur de vitesse sur 10,
montre-moi ce que tu sais faire. »
Elle
plaça le bouton sur ON, et aussitôt l’engin se mit à vibrer
furieusement dans sa paume, les différentes aspérités massant déjà
sa main avec ferveur. Les picots s’agitaient si vite qu’on
n’aurait pu dire si le mouvement était vertical ou horizontal, et
les minuscules branches oscillaient en tournant comme des queues de
crotale.
À
son niveau minimum, ce petit engin tremblait déjà aussi vite et
fort que le modèle Magnum en troisième vitesse !
Suzie
poussa un gémissement à la seule vue de cette palpitation entre ses
doigts, qui lui promettait monts et merveilles. Sans plus attendre
elle l’amena vers sa vulve qui se contractait et s’humectait
comme une bouche avide, et le posa sur ses lèvres, l’embout
arrondi pointé vers le haut, en contact avec son bouton de chair.
Instantanément,
les frissons électriques qu’elle avait déjà expérimentés lors
de ses essais les plus concluants revinrent s’emparer de son
bas-ventre, et se propagèrent en ondes anarchiques dans tout le
bassin.
Les
jambes de Suzie tremblèrent légèrement, et elle sourit de
contentement. Voilà qui était une bonne base.
Alors
elle déplaça le curseur sur 20, et le gode comme son plaisir
vrombit de plus belle. Ses yeux s’écarquillèrent sous la
surprise, et une langue de chaleur lui traversa le pubis de part en
part, tétanisant un instant ses membres inférieurs.
Ici
commençait la véritable expérience, et l’escalade euphorique
qui, cette fois elle en était sûr, l’emmènerait jusqu’au
sommet.
Elle
passa à la vitesse 30 en se concentrant sur l’extrémité de
l’objet, qu’elle enroulait autour de son clitoris et faisait
glisser le long du méat jusqu’à la fourchette vulvaire.
L’Aphrodite 5000 ressemblait à un animal fiévreux à la recherche
d’un trésor enfoui. Les gémissements s’enchaînèrent, et Suzie
dut fermer les yeux devant cette sensation nouvelle, ces spasmes
délicieux qui se répandaient dans ses cuisses et à travers ses
jambes, s’infiltraient dans son ventre jusqu’à sa poitrine. Elle
se sentit monter et les gémissements devinrent des cris. Elle
augmenta la vitesse une nouvelle fois.
Suzie
plaça le curseur sur 40, et dans le sifflement rageur du
vibromasseur, pour la première fois de sa vie, elle eut un orgasme.
Le choc la plaqua sur le dossier du canapé alors qu’elle se
cambrait de plaisir en collant l’objet gesticulant contre son sexe.
Elle plissa les paupières, laissa échapper un cri hors de sa bouche
entrouverte, et une vague immense la recouvrit. Une explosion
extatique dont l’épicentre était son sexe, cette fente béante où
s’activait un monstre de plastique.
La
sensation brûlante et glacée dura de très longues secondes,
revenant sans cesse, rappelant le flux et reflux des bords de mer les
jours de tempête. Puis elle se calma comme un feu qui se consume,
laissant les braises rougeoyer encore derrière son ventre.
Mais
Suzie ne put s’arrêter en si bon chemin. Elle se sentait capable
de repartir au charbon et de relancer la machine, curieuse de savoir
jusqu’où elle et son partenaire synthétique pourraient aller.
Elle
le tortilla entre ses lèvres gonflées pour le faire entrer puis
changea encore la vitesse. Et eut un orgasme instantané, si fort
qu’elle cria autant de plaisir que de surprise. Elle tremblait de
tout son corps et ne savait plus qui en était le responsable, son
organisme ou le jouet vibrant dont le feulement se faisait de plus en
plus aigu. Elle put atteindre toutes ses zones érogènes, tout ce
qu’elle avait lu sur le sujet depuis des mois, ses points G et A,
le cul de sac dorsal et ventral, à l’intérieur et à l’extérieur.
Elle continua d’augmenter la vitesse et de fouiller son corps à la
recherche du bien-être. Les orgasmes se succédèrent l’un après
l’autre, chacun semblant surpasser le précédent dans des cris de
plaisir continus qui lui feraient plus tard remercier
l’insonorisation impeccable de la résidence.
Au
niveau 80, elle avait déjà joui six fois.
Au
bord de l’épuisement, la sueur dégoulinant de son corps en extase
et la poitrine se soulevant par hoquet, elle continuait à enfoncer
le sex-toy divin dans son vagin. L’objet palpitait maintenant si
rapidement qu’on ne distinguait aucun mouvement, et que son cri
suraigu ne pouvait plus incommoder que les chiens du quartier. Le
sourire accroché aux oreilles, Suzie continuait d’imprimer le
va-et-vient, se consolant de ses années de disette.
Enfin,
pour en finir avec les possibilités de l’engin magique, elle
l’enfouit au plus profond et monta la vitesse au maximum.
L’orgasme
qui s’ensuivit fut sans précédent. Une déflagration atomique.
Une supernova d’euphorie qui éclata dans son crâne, dans ses
tripes et dans son sexe, fournaise délicieuse qui la dévorait tout
entière et n’en finissait pas de brûler. C’était comme être
frappé par la foudre si Aphrodite l’avait piquée à Zeus. Les
poings serrés, les yeux fermés à s’en écraser les pupilles,
elle se laissa emporter par un long hurlement de jouissance en
espérant que cette sensation ne s’arrête jamais.
Elle
s’arrêta pourtant, calmement, comme autant de voiles successifs
qui se posaient sur elle. La peau en feu, Suzie s’épongea le front
du revers de la main en jaugeant l’humidité de ses vêtements de
l’autre… et constata qu’elle ne tenait plus le vibromasseur,
tout en le sentant toujours vibrer.
Affolée,
elle se redressa et inspecta rapidement son entrejambe mais,
contrairement à la sensation, l’objet avait disparu. Dans un
sursaut de terreur, elle se rendit à l’évidence : il avait
été aspiré…
Poussé
à pleine puissance, il continuait à trembler à l’intérieur de
son vagin, recommençant déjà à faire grimper progressivement le
plaisir comme du mercure dans un thermomètre.
Suzie
était en panique. Elle tenta d’insérer ses doigts, d’attraper
l’intrus au passage, dans une manœuvre d’élargissement
d’orifice qui n’avait plus rien d’érotique, mais le
vibromasseur ne cessait de se déplacer, de fuir vers le fond de la
cavité, d’échapper à son emprise hasardeuse, et elle ne se
sentait pas vraiment l’étoffe de tenter l’auto fist-fucking à
fin médicale.
L’effort
était d’autant plus ardu que l’engin continuait de lui faire un
effet exponentiel en vibrant sur les parois internes de son anatomie.
Son bas-ventre oscillait comme dans un tremblement de terre, et elle
sentait, malgré l’affolement, le plaisir fulgurant monter petit à
petit.
Elle
tenta de pousser fort, à l’aveuglette, dans une parodie d’exercice
de Kegel, pour essayer d’expulser le corps étranger. Ce n’eut
pour effet qu’un matelas légèrement souillé de matières brunes.
Alors
qu’elle se levait pour trouver une solution, l’orgasme frappa à
nouveau, implacable, et elle dut se laisser retomber sur le divan,
des étoiles dans les yeux, tremblant autant de la sensation que de
l’action du gode déchaîné.
Après
une quinzaine de secondes, elle put enfin se déplacer, et se
précipita vers la cuisine aussi vite que ses jambes flageolantes le
lui permettaient. Le plaisir qui faisait trembler ses cuisses et son
popotin était aussi intense que déstabilisant, et elle avait du mal
à tenir la direction. On aurait cru une épreuve de Fort Boyard.
Pourtant, ce n’était pas une clé qu’elle cherchait, mais un
ustensile utile à l’extraction du parasite, que cette satanée
cuisine américaine devait forcément contenir. Attentive à la
clepsydre orgasmique qui se vidait à vitesse grand G, elle fouilla
les tiroirs sans grâce, passant rapidement sur les fourchettes,
piques à brochette, économes et autres tire-bouchons qui feraient
plus de mal qu’autre chose, et finit par tomber sur une pince à
beignet.
La
forme était parfaite pour attraper l’indésirable, malgré son
envergure qui paraissait un poil importante pour sa vulve délicate.
Après tout, l’orifice vaginal était censé être extensible, et
le sien en avait vu d’autres.
Elle
n’eut pas le temps de retourner s’installer dans le canapé. Un
nouvel orgasme s’abattit sur elle comme un délicieux coup de
massue, et elle s’effondra au sol. Les yeux fixés sur le plafond,
les dents serrées, le corps traversé de secousses et le con vibrant
comme s’il était animé d’une vie propre, elle se retrouvait
dans l’incapacité de contrôler ses mouvements, mimant une
caricature involontaire de crise épileptique.
Après
cela, elle n’eut plus la force de se lever.
Jouir
était fabuleux, mais épuisant, et peu à peu naissait dans un coin
de son crâne endolori par le plaisir l’idée terrifiante que tout
cela pourrait finir en crise cardiaque. Elle tenta d’extirper
l’intrus à même le sol. S’improvisant gynécologue, elle releva
la tête et écarta l’entrée de son vagin d’une main pour y
faire pénétrer la pince, l’Aphrodite 5000 toujours en activité à
l’intérieur.
Le
contact froid de l’objet et l’aspect clinique de la manœuvre
apaisèrent un instant les velléités stimulantes de l’objet, mais
la sensation enivrante revint vite, repoussant ses attaques par des
spasmes mouillés qui faisaient gigoter son bassin et l’empêchaient
d’atteindre son but. À chaque fois qu’elle pensait l’attraper,
le vibromasseur s’échappait en glissant sur les parois lubrifiées.
Au quatrième essai, elle abdiqua, et se laissa gésir en étoile de
mer en attendant l’orgasme. L’ustensile de cuisine toujours
planté dans le minou, elle ressentit une nouvelle fois la détonation
sensationnelle qui semblait remplir chaque parcelle de son corps.
Alanguie
sur le linoléum, le regard perdu sur le ventilateur de plafond qui
n’avait jamais fonctionné, elle était trop épuisée pour avoir
peur de la suite. Elle attendait simplement.
C’est
quand elle se décida à retirer cette pince disgracieuse de son
anatomie que l’engin finit par s’arrêter. D’une seconde à
l’autre, elle ne ressentit plus ni le tremblement qui la faisait
s’agiter comme une truite au sortir de l’eau, ni le plaisir
éreintant sur ses zones érogènes. Il occupait toujours son
intimité, mais au moins restait-il inactif.
Elle
se releva en chancelant, vidée de toute énergie. Il était presque
19 heures. Le canapé était trempé. Le sol, à l’endroit où elle
s’était écroulée, n’était pas dans un meilleur état. Quant à
elle, aussi éteinte que l’objet de ses soucis, le visage rouge et
les cheveux en bataille, nue sous la ceinture et les vêtements
collés à sa poitrine par la sueur abondante, elle faisait piètre
figure. Dans un dernier sursaut d’orgueil, elle se déshabilla
entièrement, et se laissa tomber dans son lit sans prendre le temps
d’une douche.
Trente
secondes plus tard, elle dormait à poings fermés.
L’orgasme
la réveilla en pleine nuit sans crier gare.
Son
compagnon synthétique s’était rallumé, et si elle avait pu
prendre ses vibrations pour un rêve érotique, la langue brûlante
qui l’arracha à Morphée dans un bref cri de jouissance ne
laissait aucun doute : il n’avait rien perdu de sa puissance.
Soufflée par l’émotion, bras et jambes écartés dans les
ténèbres de la nuit, elle attendit que le mouvement dans son sexe
(qui l’avait presque fait chuter du lit à force d’oscillations)
cesse enfin à nouveau.
Dimanche
ou pas, demain, il lui faudrait prendre une décision. Finir comme
Félix Faure ne faisait pas partie de ses projets à court terme.
Le
reste de la nuit se déroula sans encombres et elle s’éveilla
rassasiée. Son petit rituel du matin était même si normal qu’elle
crut le sex-toy définitivement à bout de souffle. Ce n’est que
pendant sa douche, qui la décrassait de la sueur accumulée la
veille, qu’il se remit furieusement au travail. Il devait s’être
déplacé vers le périnée, car ses fesses vibrèrent comme si elles
voulaient parler, et allèrent se jeter contre le mur en céramique.
En essayant de reprendre le contrôle de son cul, Suzie glissa, tomba
en avant, et se retrouva à quatre pattes dans la cabine de douche,
le derrière dressé et gigotant. On l’aurait cru quémander sa
pitance. Elle attendit, presque avec délice, la lèvre inférieure
mordue, que l’orgasme passe et que l’engin s’arrête à
nouveau. Décidément, la fréquence aléatoire de ces envolées
était aussi grisante que perturbante.
Toute
la journée elle hésita à en parler à quelqu’un. Elle passa des
heures devant le téléphone, prête à appeler les urgences,
l’appareil se rallumant régulièrement pour la faire monter au
septième ciel, et à chaque fois la honte le disputait à une
certaine réticence à renoncer à ce plaisir. Qui plus est, elle
commençait à mieux gérer la sensation. Non qu’elle lui fasse
moins d’effet, mais si elle la sentait venir assez longtemps à
l’avance, elle pouvait contrôler plus facilement ses mouvements
pendant la jouissance et réduire plus ou moins les gestes
involontaires.
Elle
dut néanmoins rentrer chez elle en rampant après avoir voulu sortir
les poubelles, l’orgasme la foudroyant sur le chemin du retour. Le
râle au bord des lèvres, elle se félicita d’habiter au
rez-de-chaussée, et remercia le hasard qu’aucun voisin n’eût
été présent.
Dans
l’après-midi, faute de se résoudre à joindre les secours pour
une extraction dans les règles de l’art (s’imaginer allongée
dans une pièce blanche, les jambes écartées, avec trois internes
rigolards essayant de déloger l’objet du délit et au moins autant
derrière la vitre teintée, était au-dessus de ses forces), elle
écuma les forums spécialisés, prête à chercher une solution dans
l’anonymat d’un pseudonyme anodin, style lolitadu75. L’orgasme
tapa à la porte à ce moment-là sans qu’elle s’y attende,
portant la vibration et la décharge électrique jusque dans ses
doigts. Il en résultat un magnifique JGIP, ZRHVGRBR pour toute
réponse à l’internaute qui demandait, goguenarde, si elle pouvait
lui donner les références de l’objet.
Ne
pouvant, persistante timidité oblige, se résigner à en parler à
qui que ce soit, Suzie comptabilisait 13 orgasmes quand la nuit se
décida à se jeter sur cette partie du monde. Si l’excitation et
le choc sensoriel répétés lui avaient encore fait perdre un bon
litre d’eau et au moins autant de cyprine (enfin concrètement pas
autant, la jeune fille n’étant pas une femme fontaine, mais du
moins c’est l’impression qu’il en résultait), elle s’avéra
fière d’avoir réussi à contenir la moitié des secousses. Ce qui
s’avérait crucial quand la salve arrivait en plein découpage de
concombre. L’orgasme était toujours fulgurant et la coupait
souvent dans son élan, mais au moins pouvait-elle minimiser l’impact
des vibrations sur son corps. Ce qui l’empêchait plus ou moins de
ressembler trop souvent à un malade atteint d’un syndrome de la
Tourette localisé derrière le pubis.
Satisfaite
de ce relatif contrôle, elle décida (aussi parce qu’elle n’avait
pas vraiment le choix) de retourner à la bibliothèque le lendemain
comme si de rien n’était, l’importun toujours profondément logé
dans le vagin.
La
nuit se passa sans heurts (même si elle se retrouva au sol au petit
matin, emberlificotée dans son édredon) et l’orgasme ne la sortit
de ses songes qu’une ou deux fois, sans que cela la gêne outre
mesure. Certains se lèvent plusieurs fois par nuit pour aller
pisser, Suzie, elle, jouissait.
Quant
à sa journée, on peut dire sans exagérer qu’elle se déroula
sans encombres. Certes elle faillit provoquer un accident lorsque la
sensation foudroyante lui fit écraser le frein de sa Volvo, elle eut
un peu de mal à expliquer ce largage de livres accompagné de
gémissements qui lui prit en plein inventaire, et encore plus cette
vibration intempestive qui projeta son sexe en petits bonds gracieux
dans le dos d’un collègue barbu qui n’en demandait pas tant,
mais dans l’ensemble, elle s’avéra satisfaite de sa performance,
et réussit la plupart du temps à s’éclipser dans les toilettes,
ou un placard inoccupé, pour savourer pleinement les fulgurances de
son compagnon de silicone.
De
plus en plus efficace dans la façon de gérer cette improbable
situation, Suzie se résolut à ne rien faire de plus, et à partager
son intimité avec cet étranger qui s’avérait de moins en moins
inopportun. Après tout, s’il lui manquait le côté affectif des
câlins tendres et des regards doux, elle avait à disposition un
amant infatigable et performant, qui savait la surprendre, sans
présenter aucun des nombreux défauts inhérents à la gent
masculine.
Le
mois qui suivit se passa, selon des critères propres à la jeune
fille, de mieux en mieux. Non seulement elle anticipait de plus en
plus facilement les assauts du sex-toy, mais celui-ci changeait
régulièrement (et sans raison apparente) de puissance, passant
d’une vélocité maximale à un doux massage dans la même journée,
et ce sans aucune logique.
Un
matin, il s’activa tranquillement entre ses jambes alors qu’elle
prenait le bus par souci d’écologie, et lui colla un large sourire
sur le visage, non sans la soumettre aux regards décontenancés de
son voisin qui avait tout entendu.
« Le
vibreur de mon téléphone est un peu fort » dut-elle s’excuser
pour donner le change.
Elle
gagna aussi l’admiration des clients de la Villa Rouge, la boîte
de nuit qu’elle avait investit lors d’une soirée entre
collègues, après ce que tout le monde pris pour une session de
twerk aussi endiablée qu’improvisée. Le barbu sus-cité en perdit
même ses lunettes. Il faut avouer que l’atmosphère enfumée et
criarde de la discothèque l’avantagea grandement, attirant le
regard des danseurs sur ses ondulations sensuelles au détriment des
grands cris de jouissance incontrôlés.
Après
quelques mois pourtant, les vibrations du petit être de plastique se
firent plus régulièrement virulentes. Il lui arrivait souvent de
sentir taper contre son ventre avec plus de douleur que de plaisir,
et elle avait de plus en plus de mal à expliquer ces chutes
successives sur son lieu de travail, voire lors de ses activités
extra-professionnelles, ce qui faillit même lui jouer des tours
plutôt dangereux lors d’une randonnée à vélo dans les forêts
vosgiennes.
Un
jour, le tremblement fut si violent et si mal placé sur son côté
droit, qu’elle ressentit une intense douleur dans l’aine, et
s’écroula dans les rayons de son supermarché. Personne ne
comprenait vraiment comment elle s’était débrouillée, mais elle
ne pouvait plus tenir sur ses deux jambes sans hurler sa souffrance.
On finit donc par appeler les pompiers, et elle fut emmenée à
l’hôpital dans un état semi-comateux, le jouet vibrant ayant eu
la bonté de la faire grimper au rideau avant de s’éteindre à
nouveau.
Sur
place, le verdict fut sans appel : elle s’était fracturé le
bassin. L’Aphrodite 5000 avait vibré si fort qu’il lui avait
brisé la branche ilio-pubienne et une partie de l’os iliaque
droit.
« Comment
est-ce arrivé ? demanda le médecin dubitatif.
— Je
ne m’en souviens pas, mentit Suzie. Le choc sûrement. »
Puis,
les pommettes légèrement empourprées, l’homme ajouta :
« Si
je puis me permettre, mademoiselle, nous avons aussi constaté sur la
radio que vous aviez un… un corps étranger dans le…
bas-ventre. »
Suzie
hésita un instant, engourdi par la douleur et l’orgasme qui
l’avait suivi pour la calmer. Cette fois, plus besoin d’avoir
honte, c’était déjà trop tard, tout l’établissement devait
déjà être au courant, et elle avait à disposition le personnel et
le matériel nécessaire pour expulser in fine ce locataire
intempestif.
Sauf
que finalement, avec le recul, et malgré la vilaine farce qu’il
venait de lui faire subir, il n’était plus si intempestif que ça,
le locataire. Suzie avait fini par s’y habituer, elle le maîtrisait
presque, et s’était attachée à ce compagnon de plastique si doué
pour la satisfaire. Et si le mal était fait quant à sa réputation
auprès de quelques internes, elle n’était toujours pas prête à
faire la une de la gazette de tout l’hôpital une fois l’extraction
effectuée.
« Oui,
je sais, rétorqua-t-elle finalement avec aplomb.
— Il
va falloir, heu… vous l’enlever, balbutia son interlocuteur.
— Maintenant ?…
— Non,
non, pas dans votre état, ça serait dangereux. Il faudra faire ça
une fois l’os ressoudé.
— Parfait,
je reprendrai rendez-vous plus tard dans ce cas-là. »
Inutile
de dire qu’elle ne remit jamais plus les pieds dans cette clinique.
Il était hors de question qu’elle se fasse retirer son parasite
rose après tout ce qu’ils avaient vécu.
Qui
plus est, la situation était idéale pour elle. Après quelques
jours dans une chambre d’hôpital, elle avait été autorisée à
rentrer chez elle, et était maintenant en arrêt maladie, contrainte
et ravie de rester clouée au lit, l’engin de plaisir toujours
actif dans son bénitier pour la faire planer, et de la morphine à
portée de main pour les douleurs post – coïtales qui pulsaient
dans tout son bassin. Sur ordre du médecin, elle devait passer son
temps entre le sommeil, la lecture, et l’orgasme vibrant, dont elle
se délectait une dizaine de fois par jour sans avoir à dissimuler
sa condition. Son collègue barbu à l’accent fleuri vint bien la
visiter une paire de fois, mais toujours entre les séances de
stimulation interne, et elle n’eut jamais à justifier aucune
vibration ou gémissement imprévu.
Sa
hanche finit par guérir, mais la position allongée perpétuelle dut
faire glisser le gode vers le haut de son organisme et l’appuyer
sur son estomac, car elle expérimentait régulièrement de sérieux
maux de ventre. Les orgasmes devenaient plus ponctuels que fréquents,
et il n’était pas rare qu’elle sente le poids de son colocataire
lui provoquer des nausées. Dieu merci l’Aphrodite 5000 savait
encore lui procurer de grands éclairs de plaisir, mais plus le temps
passait et plus ils s’accompagnaient de ballonnements. Et s’il
lui arrivait encore de hurler de contentement dans le confinement de
sa chambre, ses journées étaient régulièrement faites de
sensations désagréables et de hauts le cœur. Elle se demanda si,
finalement, cette étrange relation n’arrivait pas au point où il
était médicalement déconseillé de laisser cette chose dans son
organisme. Peut-être avait-elle chopé une infection. Ou tout
simplement, son corps finissait-il par rejeter cet inconnu qui
n’avait pas sa place ici.
Après
quelques semaines à ce régime, le ventre de Suzie était si gonflé
qu’elle aurait pu lâcher un pet vaginal d’au moins 15 secondes
sans interruption, si la nature l’avait laissée faire. Et ce même
au beau milieu d’une réunion de travail, peu lui importait, tant
la situation devenait plus incommodante qu’excitante. Il était
grand temps d’en finir avec ce duo contre nature, et grand temps
que ce supplément de plastique reparte d’où il était venu.
Elle
finit par avoir gain de cause un soir de juin, qui embaumait déjà
de la chaleur poivrée de l’été. Suzie se prélassait nue dans
son canapé d’angle quand elle expérimenta une sorte de
contraction hasardeuse près de son pelvis, alors que le petit être
vibrant se mettait en marche. Contre toute attente, elle sentit
l’objet glisser vers l’entrée de son vagin. Après des mois de
joie et de souffrance, cette expérience arrivait à son terme.
Surprise
mais ravie, Suzie décida d’aider un peu la manœuvre, et poussa de
toutes ses forces comme si elle était sur le trône, et tant pis si
elle salissait le divan au passage. Le petit jeu avait assez duré,
il était grand temps que les choses retournent à la normale.
Qu’elle relâche ce trop plein d’air au prix d’un pet de fouf
phénoménal, que ces désagréments stomacaux cessent, et qu’elle
éjecte celui qui avait pris ses quartiers dans son ventre. Elle
arriverait bien à se débrouiller sans lui.
Prise
d’une rage salvatrice, elle serra les poings, crispa la mâchoire,
ferma les yeux, et poussa vers la sortie comme si sa vie en
dépendait.
Et
alors elle sentit que la chose atteignait le bout du tunnel, que
l’orifice étroit de sa vulve s’élargissait, et dans un
grognement déchirant, elle expulsa ce qui hantait son intimité
depuis des mois.
Tout
à coup, elle se sentit vidée, soulagée, comme si elle reprenait
enfin possession de son propre corps. Elle n’aurait jamais nié le
plaisir, et ce sentiment de plénitude ressentis durant tout ce
temps, mais, tout de même, ça faisait du bien quand ça s’arrêtait.
Ne
restait plus qu’à évacuer le trop plein de gaz dans un bruit
aussi drôle que peu glamour.
Pourtant
quand elle rouvrit les yeux et en jeta un en direction de son ventre,
elle découvrit dans un haussement de sourcil que celui-ci était
plat comme au premier jour. Et son regard s’écarquilla de plus
belle lorsqu’elle vit ce qui apparaissait entre ses jambes.
Là,
à peine sorti de son sexe, encore gluant de substances vaginales, se
tenait un jovial petit bonhomme de silicone. Avec un corps rose
bonbon, deux bras, deux jambes, et une tête de gland. C’était
comme si on avait sculpté Pinocchio dans un godemichet. Les yeux
malicieux, un picot plus gros que les autres lui faisant office de
nez, il regarda Suzie avec amour, et dans un sourire, il lui lança :
« Maman ! »
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