«
Je possède un joyau et
cherche quelqu'un qui sache le regarder ».
Hâfez
de Chiraz, Le Divân, Ghazal 373
***
SAM
& AYMI
Aymi termina de se brosser les dents, puis alla dans sa
chambre où Sam, son père, l’attendait pour lui raconter une histoire. Déjà en
pyjama, elle se jeta dans son lit et il rabattit les couvertures sur elle, puis
l’embrassa sur le front, précisément sur sa cicatrice. Il s’assit
tranquillement sur le rebord et vit que sa main gauche tremblait alors qu’il
caressait les cheveux bruns de son enfant, repoussant cette mèche qui le jour,
cachait la marque disgracieuse.
- Ma chérie, est-ce que tu sais ce que c’est qu’un
secret ?
Elle secoua négativement la tête,
tirant le drap et les couvertures qui cachaient un sourire désincarné et espiègle.
Son père lui avait promis de lui raconter cette histoire de l’enfant aux
cheveux d’or, tirée de ce livre qu’il avait acheté un jour sur internet et qui
avait mis un mois à arriver. Mais cette histoire il l’avait lue, interprétée et
racontée pour sa fille des centaines de fois. Toujours après l’avoir
religieusement écoutée de la bouche de son père, Aymi s’endormait profondément.
A son réveil, elle n’avait gardé aucune trace, aucun souvenir. Elle était donc
impatiente de l’entendre comme chaque soir, au chaud dans son lit, frottant ses
pieds l’un contre l’autre. Comme si c’était la première fois qu’elle
l’écoutait, cette histoire éternellement inédite que son père ne se lassait
jamais de lui lire encore et encore. Depuis maintenant six longues années que
ce rituel s’était installé entre eux, et que Sam portait quotidiennement sa
fille comme un immense rocher au sommet d’une pente montante.
Ce soir-là, pourtant, la fatigue lui donnait
l’envie de pleurer sur lui-même sans que les larmes ne coulent. Comme si les
émotions s’entremêlaient à un carrefour qui rendait toute parole, toute
expression de ce profond chagrin, impossible. Sam se sentait désespéré, car le
trouble visible dans les yeux de sa fille pesait douloureusement sur son
sentiment de culpabilité. Qu’elle soit perçue comme une arriérée par les autres
était une chose avec laquelle il avait appris à composer, mais de savoir
qu’elle ne serait jamais capable d’être autonome, et de devenir la personne
qu’elle était supposée devenir l’enfonçait dans une terrible angoisse et une
profonde culpabilité. Qu’allait-elle devenir s’il mourrait dans peu de
temps ? Dans un an, dix jours, ou demain-même ? Allait-être être
envoyée dans un hôpital psychiatrique avec des inconnus et des individus potentiellement
dangereux ? Allait-elle mourir seule dans un institut médicalisé sans
personne pour l’accompagner ? Ce désespoir était particulièrement intense en
lui ce soir-là et il se sentait si faible à l’intérieur, si écrasé qu’il a
pensé, une énième fois, prendre son revolver dans sa chambre, abattre son
enfant d’une balle dans la tête, ainsi que lui-même pour en terminer une bonne
fois pour toutes. Mais comme à chaque fois qu’il était dans cet état, il se
rendait compte de l’incroyable nectar de douceur que dégageait cette détresse
intérieure. Sam se souvenait toujours des paroles de sa mère, à propos de la
tristesse. Elle lui avait appris qu’il fallait laisser la lame aiguisée du
désespoir couper un morceau du cœur davantage, au risque que celui-ci s’arrête
pour de bon sous le coup de la blessure, devenue trop profonde. La tentation,
plus que jamais, était grande d’emmener sa fille dans la grange, là où son
secret, qu’il voulait absolument partager avec d’autres sans le pouvoir, se
trouvait au chaud, et à l’abri de regards potentiellement malveillants.
Ce soir-là, tournant en rond dans sa
chambre, regardant la pleine lune par la fenêtre en buvant une bière, il prit
sa décision. L’arme était dans la commode, rangée dans son étui, cachée sous
ses chemises de travail et ses sous-vêtements. Il attendit qu’Aymi s’endorme. Pour
la transporter jusqu’à la grange en pleine nuit, c’était plus pratique, elle
n’aimait pas les imprévus, elle aurait été effrayée d’être réveillée en pleine
nuit. Dehors le ciel nocturne était très clair. Comme la Lune, les étoiles
étaient toutes là, visibles, nombreuses, rassurantes. Elles semblaient observer
ce père qui ne dormait pas, avec sa fille dans ses bras, tranquillement
endormie, innocente et inconsciente du sort qui l’attendait. Sam fût surpris
par ce parfum qui annonçait, à coup sûr, les premières neiges de l’année. Les
yeux d’Aymi riboulaient sous ses paupières, elle rêvait. L’épaule de son père
comme oreiller et son odeur familière et rassurante comme couverture.
ADAM & BOB
Adam ouvrit la porte de sa chambre
d’hôte à Bob. Ce dernier, silencieux, entra avec sa grosse mallette noire. Le
bout de son nez rouge lui donnait un air de clown. Adam ne lui faisait pas
confiance. Bob était encore jeune, inexpérimenté, et leur dernière mission
ensemble s’était terminée par un lamentable échec.
- Avec toute cette neige, as-tu fait
attention en récupérant le matériel ?
- Bien sûr, comme toujours, tu le sais
bien répondit Bob agacé, en enlevant sa parka polaire.
- Très bien, installe-le sur le bureau
alors et ne fais pas de bruit, à côté ça regarde le Jerry Springer Show. En effet, des cris effroyables, entremêlés de
rires gras provenaient de la chambre voisine.
Bob ouvrit la mallette qui contenait un
terminal avec clavier. Il sortit ensuite une antenne dépliable et relia les
deux ensembles. Adam s’assit sur le rebord du lit tout en malaxant deux boules
en bois dans sa main gauche. Il finit par les poser sur la table de chevet en
pensant à son fils quand Bob termina l’installation des autres appareils qui
allaient leur permettre de commencer les repérages. L’écran montrait où la
foudre avait frappé ces trois derniers mois à Elegantville.
- Tu n’as pas oublié ton entonnoir sur
la tête ? Demanda Adam en souriant.
Bob le regarda sans comprendre.
- Je plaisantais Bob. Tu devrais
apprendre à te détendre, regarde où l’on se trouve, dans un trou perdu, dans
une chambre au papier mural fleuri. Bien, au travail. Tu as lu le premier rapport
sur Elegantville ?
- Le IXXI09021990 ? Oui bien sûr,
j’ai fait mes devoirs, je les fais toujours. Je suis quelqu’un de professionnel
et j’ai appris de mes erreurs passées répondit Bob nerveusement.
- Je ne t’accusais de rien,
présentement. Mes reproches sur le passé étaient justifiés et on ne va pas
revenir là-dessus, tu le sais très bien dit Adam en regardant les boules en
bois sur la table de chevet. Même le Big Boss m’a appuyé là-dessus donc... Les
procédures ont été déviées par ta faute et ton manque d’écoute de la
hiérarchie. Cette mission, il n’est pas question de la foirer de la même façon
que la précédente. L’enjeu est différent. Entendu ?
Bob acquiesça sans ajouter un mot.
Les boules en bois étaient immobiles
sur la table de chevet de style rustique. Bob regardait l’écran, en pensant à
quel point Adam était un sombre connard. Qu’il haïssait réellement.
- Bon c’est au tour de la ferme de Sam
Winter dit-il. La foudre a frappé chez lui il y a deux mois, Sirios a détecté
un concentré d’électricité excessivement élevé à cet endroit. Autrement dit la
foudre a anormalement tapé là, aussi et ce, à plusieurs reprises.
Adam fixait toujours les boules en bois
sur la table de chevet.
- Peut-être des fantômes pris dans un
orage dit-il en murmurant. Ou alors c’est la bête.
- Il va falloir visiter sa ferme et
d’après ce que nous savons de Winter, ça ne va pas être aussi simple. Ce n’est
pas un bouseux sans éducation. Tu lui as déjà parlé il me semble ?
- Oui mais pas assez longtemps répondit
Adam, son regard fixe.
L’une des boules chinoises commença
subitement à rouler sur la table, comme poussée par une force invisible,
lentement, très lentement. Elle finit par tomber sur le sol. Les yeux d’Adam
étaient remplis de larmes, excessivement rouges. Ses mains tremblaient. Il se
leva, se dirigea vers la vieille télévision cathodique, sur laquelle la photo
de son fils était posée sur un vieux napperon blanc, brodé à la main.
- Winter a une fille. C’est dans le
rapport. Elle est retardée mentale suite à un accident de la route où la femme
de Winter est morte il y a sept ans. S’il n’est pas coopératif, on utilisera
cette carte dit Bob.
Bob continua de taper sur son clavier
d’ordinateur, tandis que dans la salle de bains, Adam perdait déjà du sang par
le nez dans le lavabo. En grande quantité.
- Avec des hommes comme ce Sam Winter,
nous sommes toujours obligés de jouer la carte familiale à un moment donné
ajouta Adam en s’essuyant. Nous allons lui donner le choix. Entre coopérer ou
s’écraser, il n’en aura pas d’autre.
JENNIFER, SAM & AYMI
Aymi prenait son petit déjeuner tandis
que Jennifer remplissait un énième tube de son sang. Jennifer était réputée à
Elegantville comme étant l’infirmière la plus douce de toutes les infirmières
qui avaient défilées dans la communauté au fil des années. Elle était celle que
les anciens, comme les plus jeunes, préféraient de loin.
Ce
matin-là, Jennifer regardait Aymi avec inquiétude. Sam avait les yeux rouges.
- Donc vous avez passé la nuit dans la
grange demanda Jennifer.
- C’est exact. Fatigué et les yeux
rouges, Sam était pourtant serein et semblait heureux.
- Vous ne voulez pas m’en dire un peu
plus ? Que s’est-il passé ?
- Il faut que je réfléchisse encore un
peu avant de pouvoir vous raconter. Il se peut que vous ne compreniez pas ou
que vous soyez effrayée.
Les tubes étaient remplis du sang
d’Aymi. Jennifer la regardait, assise à côté d’elle, en silence. Tantôt son
regard se tournait, interrogateur, vers Sam, qui était assis dans le fauteuil à
côté de la fenêtre sans rien faire de particulier, tantôt il retournait se
poser sur le visage d’Aymi, incrédule. Elle remarqua sur son front, la
cicatrice qui avait disparue. Jennifer ne savait plus quoi penser.
Le visage de Sam était détendu et clair. La
fatigue inscrite dans ses traits comme une marque de libération, de joie
arrogante, le rendait encore plus séduisant aux yeux de l’infirmière. Une chose
étrange leur était arrivée cette nuit.
Car Aymi avait changé. Dans ses yeux, tout
était différent. Elle ne semblait plus troublée, comme Jennifer l’avait trouvée
hier et le jour d’avant, et le jour d’avant celui-ci encore. Et comme elle l’avait
vue depuis deux ans, ne pas avoir conscience de ce qu’elle était, et des autres,
du monde autour d’elle, Jennifer ressentait de la peur, à voir Aymi ainsi
transformée. La petite était encore muette, mais elle était très clairement
différente dans son être. Cela donnait un frisson d’angoisse et la chair de
poule à la jeune infirmière.
Aymi fit un sourire à son père, tandis
qu’il s’approchait pour remplir à nouveau sa tasse de lait chocolaté.
Jennifer se leva, faisant mine de
partir devant le silence de Sam et ce dernier lui dit brusquement pour la
retenir qu’il avait réfléchi. Qu’il n’avait pas d’autres choix que de partager
son secret avec d’autres habitants d’Elegantville. Et peut-être même avec le
plus de personnes possibles.
- Vous allez enfin me dire ce qui vous
est arrivé la nuit dernière ? Jennifer se surprit du ton défensif de sa
voix.
- Oui, mais pour ça, il faut que vous
alliez dans la grange. Seule. Et là peut-être que vous verrez. Peut-être pas.
- Dites-moi ce que c’est, vous m’inquiétez
à jouer les mystères… Et de voir votre fille… Ses yeux… Sa cicatrice qui a
disparu, comment cela se peut-il ? Vous avez eu une révélation mystique,
des aliens se sont posés dans votre cour hier soir, la fée bleue est passée
avec sa baguette magique ? Vous avez gagné au bingo de Miss St. George ?
Jennifer était autant inquiète qu’en colère à présent.
- Allez dans la grange dit Sam avec son
étrange sourire embarrassé. Vous ne pouvez pas allumer la lumière. J’y ai coupé
l’électricité.
- Pourquoi ?
-
Vous verrez, tout va bien se passer. Faites-moi confiance, vous me faites
confiance d’habitude ?
- D’habitude, vous n’avez rien à cacher
et certainement pas l’amélioration soudaine de l’état de votre fille Sam.
Pendant que Jennifer marchait vers la
grange, le cœur battant, Sam prit les tubes remplis du sang de sa fille dans la
valisette de l’infirmière et les déversa dans l’évier. Il rinça abondamment à
l’eau. Jennifer ouvrit la porte de la grange. Elle regarda à l’intérieur avec inquiétude
mais il faisait trop sombre. Elle entra et ferma derrière elle. Elle ne voyait
toujours rien. Elle prit la grosse lampe torche jaune accrochée près de la
porte et avança lentement vers le fond de la grange. Ses mains tremblaient. Son
cœur accélérait. Son corps tout entier ressentait une présence imposante dans
un carré délimité par des bottes de foin. La lampe torche s’éteignit. Derrière
ces mêmes bottes, une lumière aussi belle que celle du soleil s’illumina
brusquement. Mais Jennifer, submergée par son émotion, ne se rendit absolument
pas compte qu’aussi brillante et intense que cette étrange lumière fût, elle ne
l’aveuglait absolument pas. Au contraire, c’était comme si elle voyait
clairement la raison de sa propre existence pour la toute première fois.
LEONARD
Leonard marchait dans la forêt en
pleine nuit. Géant de deux mètres, il avançait en essayant de ne pas faire de
bruit. En bon chasseur qu’il était, il savait comment faire. Il faisait froid
mais il avait l’habitude. Sa barbe sauvage dépassait sur son énorme manteau
dépareillé et recousu un nombre incalculable de fois par Lucie. Il était bien
chaud. Il se tapotait les mains l’une contre l’autre de temps en temps. Leonard
avait toujours apprécié les balades à Elegantville, spécialement la nuit. Il
aimait être surpris par ce qu’il définissait le poumon invisible de la forêt,
la vie nocturne tout autour de lui, qui rampait, sans demander son reste. Sans
la voir, on pouvait la ressentir dans ses os. Des chouettes à Elegantville, on
en croisait de nombreuses, et des impressionnantes par la taille. Leurs cris
étaient comme ceux de ces femmes en temps de guerre, Leonard les avait
entendues se faire violer et assassiner au fusil ou au couteau, parfois à moins
d’une dizaine de mètres de lui, derrière un simple rideau rouge. Il sourit
lorsqu’il aperçut la ferme de Sam Winter, Sam Winter qui lui offrait toujours
un café, du tabac, des cartouches pour la chasse, de l’aide avec son tracteur
lorsqu’il en avait besoin. Cette nuit-là, il le vit sortir de sa maison, avec
sa fille dans les bras. Il le vit lever la tête pour regarder les étoiles.
Leonard en fit de même. Puis, Sam entra avec Aymi dans ses bras dans la grange.
Là, le sang de Leonard ne fit qu’un tour lorsqu’une lumière blanche intense
ressortit par les fissures de la grande porte arrière. Ses rayons semblaient aller
au-delà des arbres les plus grands. Leonard tapota ses mains l’une contre
l’autre, la lumière s’estompa brusquement. Quelques secondes plus tard, il vit
Sam sortir avec sa fille, éveillée. Elle montrait à son père les étoiles, La
Grande Ourse, en les pointant du doigt. Sam s’est baissé pour avoir son visage
au niveau de celui de son enfant et lui a montré d’autres étoiles aux
alentours. Après un moment où ils semblaient discuter de manière soutenue, ils
rentrèrent, main dans la main. Comme si rien ne s’était passé.
Leonard s’approcha de la grange
lentement. Son cœur accélérait à chacun de ses pas. Au fur et à mesure qu’il
cherchait à voir, entre deux planches, ce qui se passait à l’intérieur, la
porte arrière s’ouvrit lentement en grinçant. Il eut la sensation que quelque
chose l’invitait à entrer. Mais il n’y avait vraisemblablement personne. Ses mains
étaient de plus en plus chaudes, à tel point
qu’il n’avait plus besoin de ses gants, qu’il mit dans sa poche recousue
par Lucie. Après quelques minutes d’hésitation, il décida d’entrer. La grande
porte en bois se referma tranquillement derrière lui.
LUCIE & ADAM
La vieille Lucie tenait cette maison
d’hôte depuis que le ElegantMotel avait
brûlé en 1966. Comme Elegantville était constamment traversée d’étrangers,
notamment des camionneurs et des voyageurs, sa maison d’hôte lui permettait de
vivre correctement dans ce trou perdu où, par ailleurs, Lucie était née en 1938,
à une époque où l’on trouvait à cet endroit une population dix fois plus
importante qu’aujourd’hui. La fermeture des mines avait sonné le glas de la
lente agonie de la ville, qui à force, s’était transformée en petite
communauté.
Quelqu’un sonna à l’office. Lucie qui
était en train de reprendre ses leçons de trompette dans le salon était bien
embêtée. Elle posa l’instrument dans lequel elle avait craché ses poumons et
alla voir qui sonnait. Elle sourit immédiatement en voyant Adam qui venait
déposer la clé de sa chambre. C’était son habitude, il préférait ne pas
s’encombrer de cette dernière pendant ses périples à Elegantville. Il ne voulait
pas la perdre.
- Madame MacRay, vous êtes ravissante,
comme d’habitude dit Adam en souriant.
- Merci M. Kadmon, vous êtes flatteur,
comme d’habitude dit-elle en prenant la clé et en lui faisant un clin d’œil de
sa paupière ridée. Vous allez vous balader, pour trouver des idées pour votre
roman ? Je sais que cela ne se fait pas de demander mais vous trouvez
petit à petit ce que vous êtes venu chercher ?
- Oui, il se peut que l’inspiration
vienne ici et là. Mon ami qui vient d’arriver m’a apporté un nouvel ordinateur
et une imprimante, et j’ai mon bloc-notes avec moi, dit Adam en le sortant de
sa poche pour le montrer.
- Stephen King s’est arrêté une semaine
ici, très courtois et agréable mais un peu timide. Il n’a rien écrit concernant
Elegantville dans ses livres, dit la vieille femme en faisant une grimace de
déception. Enfin, moi je n’en sais rien, ce sont mes petits enfants qui me
l’ont dit. Eux ils lisent ses livres. Moi je n’ai plus de patience pour la lecture,
c’est dommage. J’ai perdu le fil.
Après s’être mutuellement souhaités une
bonne journée et une délicieuse balade, Adam sortit, un étrange sourire forcé
sur les lèvres. Jennifer qui se rendait au chevet de la vieille femme pour lui
faire sa piqûre d’insuline dit bonjour à Adam. Ce qu’il ne vit pas mais sentit
comme une sentence dans son dos, c’est que la jeune infirmière se retourna pour
le regarder s’éloigner et que son regard n’avait rien de positif.
Lucie monta à l’étage où se trouvait sa
chambre. Elle appuya sur le répondeur qui clignotait. C’était Léonard. Il avait
quelque chose de très important à lui dire, il allait venir la voir ce soir.
Elle se recoiffa à son boudoir en chantonnant quelque chose de son
improvisation, attacha ses cheveux blancs en chignon, puis alla s’asseoir à sa
harpe, pour en jouer un peu, avec beaucoup de fautes de goûts et d’erreurs,
mais toujours avec l’intention de la grâce. Elle continua de jouer même lorsque
Jennifer entra, le visage fermé et blême.
BOB
Bob sortit de la camionnette noire à
l’entrée d’Elegantville. Des bouseux du coin, et des accidents de chasse avaient
percé de part en part le panneau indiquant le nom de la petite communauté. Les
hommes cagoulés à l’intérieur de la camionnette ne lui avaient pas adressé la
parole. L’un d’entre eux portait un casque sur lequel un crâne humain était
dessiné. Sur ce crâne humain se trouvait le drapeau des Etats-Unis d’Amérique
sur le front. Bob avait vu leurs yeux noirs brillants comme de petites billes
nacrées, et certains ouvrir la bouche pour se lécher et s’humecter les lèvres
comme des fous assoiffés de massacre. C’était ce que Bob avait pensé sur le
moment. Ce n’était assurément pas rassurant pour lui qui était loin d’avoir
leur forme athlétique. Ni leurs fusils mitrailleurs d’un modèle qui lui était
inconnu et qui avaient l’air d’être parfaitement neufs. Il marcha le long de la
route, en s’imaginant rentrer chez lui à Washington, pouvoir reprendre le cours
normal de son existence, pourquoi pas trouver une jeune femme, fonder une
famille, devenir un bureaucrate jusqu’à la retraite. Adam avait pu concilier
travail et vie de famille lui. Bob secoua la tête négativement en ayant cette
pensée : après tout, Kadmon ne lui avait jamais rien dit de sa famille.
Peut-être s’agissait-il d’un parfait désastre. Soudain, dans la clairière
recouverte de neige, il vit une tâche noire et il reconnut Leonard. Il entrait
dans la forêt à grandes enjambées, en prenant soin de se retourner, comme s’il
ne voulait pas être vu ni suivi. Bob qui s’était baissé pour l’observer avec
ses jumelles de poche, se releva en hâte et courut pour le rattraper.
Une fois dans les bois, Bob se sentit
en danger. Il avait son arme avec lui, mais Adam Kadmon avait été parfaitement
clair : pas de bavures cette fois-ci. Il ne put s’empêcher de la sortir,
au cas où. Leonard, accroupit, semblait faire un feu avec des feuilles de
papier sur le sol, et de petits morceaux de bois secs. Soudain, ce dernier se
leva et se retourna brusquement, comme s’il avait senti que quelqu’un
l’observait. Bob se cacha derrière un arbre, le cœur battant, juste à temps
pour ne pas être vu. Mais il y eût un étrange bruit de craquement et lorsqu’il
regarda à nouveau, Leonard avait disparu. Un arbre, un seul, était en feu. Et
brûlait devant ses yeux. Au milieu des autres recouverts de neige.
AYMI & SAM
Aymi et Sam marchaient aux abords du
vieil étang, juste en face de la ferme abandonnée du vieux Jones qui s’y était
pendu en 1957, après avoir tué toute sa famille, sa femme et ses deux filles,
avec un fusil. La ferme était restée à l’abandon, délabrée par le temps.
Elle appartenait aux descendants de Jones, des neveux et des nièces, qui
n’avaient jamais entrepris de rénover, d’entretenir ou même de vendre
l’endroit, curieusement, puisqu’ils vivaient à Phœnix.
Aymi remarqua alors le cadavre d’un
cygne dans l’étang, juste en face de la ferme fantôme. Elle s’approcha du
rebord et Sam lui dit de faire attention. D’un signe de la main, la petite
fille dit à son père de se rapprocher.
Le corps de l’oiseau était à moitié
dans l’étang, pris dans la glace, et ressortait à l’air libre. Ses pattes et
son ventre en l’air avaient déjà été goûtées par les corneilles et autres
charognards du coin.
- Pauvre cygne dit Sam.
Le cou de l’animal était dans l’eau. Sa
tête flottait tranquillement dans un angle disgracieux, montrant nettement une
fracture ouverte. La glace était transparente comme une vitre ou presque à cet
endroit. Le cou et la tête du cygne ressemblait à un roseau. Il n’y avait pas
beaucoup de courant dans l’étang. Tout semblait figé et mort. Mais conservé par
le froid. Le visage d’Aymi s’assombrit en regardant ce cygne et l’étang gelé.
Elle essuya ses larmes abondantes avant que son père ne la voit pleurer.
Quelques minutes plus tard, elle montra
la ferme à son père en la désignant du doigt, pour insister, comme elle lui
avait montré les étoiles au sortir de leur grange. Cette ferme, abandonnée,
vide, délabrée, imposait comme une présence, une présence avec un regard, et ce
regard se posait sur ce père et sa fille qui marchaient vers lui.
- C’est vrai qu’il y a un bunker entre
la ferme et l’étang, mais on ne pourra jamais le faire entrer dedans dit Sam à
sa fille muette. Tu…
Pour
lui répondre, elle lui fit juste un sourire, et il eut le cœur serré. Car son
sourire n’était pas comme ceux d’autrefois, troublés et désincarnés. Il était
pur et clair, il provenait de sa personnalité toute entière, retrouvée. Et ce
sourire était d’autant plus important qu’il signifiait la possibilité de faire
venir leur secret ici, pour le mettre à l’abri d’Adam Kadmon, des hélicoptères noirs
menaçants qui volaient sans bruit la nuit au-dessus d’Elegantville depuis plusieurs
mois, et des troupes de militaires et de soldats qui parcouraient et
encerclaient la communauté comme pour l’étrangler avant de la frapper
mortellement au cœur.
DEATH TANGO,
ANGRY EAGLE, BLUE PHOENIX, ATOMIC SKULL 666
Death Tango avançait dans la forêt avec
son arme, silencieux. Il faisait froid. La neige avait en grande partie fondu
mais une couche de gel avait recouvert ce qui restait. Dans sa tenue militaire
noire, Death Tango faisait partie des ombres. Ses lunettes infra-rouge lui
donnaient un air de cyborg. Il fit signe de la main le bras levé et d’autres
ombres sortirent de leurs cachettes pour le rejoindre. Angry Eagle, Blue Phœnix,
Atomic Skull 666 avaient tartinés leurs visages de cire noire et verte. Une
chouette effraie s’envola en hurlant et pas un seul de ces hommes surentraînés
ne fit un geste.
- Death Tango à Cherry Charlie,
position établie, commençons chasse à l’animal sauvage, terminé dit Death Tango
dans l’oreillette qu’il portait.
Angry Eagle avait manifestement un
problème. Quelque chose le faisait boiter.
- Eagle qu’est-ce que tu as ?
demanda Tango dans son oreillette.
- Rien chef, rien.
- Tu boites, je t’ai vu regarder tes
bottes, les secouer, comme si tu avais un problème.
- Ce n’est rien Chef, je confirme.
- Il a un caillou dans sa botte balança
Atomic Skull 666 en ricanant. Ce dernier avait choisi ce nom à cause du crâne
sardonique qu’il avait tagué sur son casque, avec le drapeau américain sur le
front. 666 avait été rajouté à son nom de code car il était fan de métal
satanique.
Death Tango s’approcha des bottes
d’Angry Eagle, regarda les semelles. La semelle de la botte droite était
percée.
- Comment t’as fait ça ?
- Je ne sais pas Chef. Elles étaient
impeccables il y a quelques heures à peine.
Death Tango sorti un ruban adhésif noir
de son sac. Il recouvrit le trou dans la semelle de la botte d’Eagle et entoura
son pied de plusieurs tours très rapides de cet adhésif noir.
Blue Phœnix avançait seul devant au
même moment, intrigué par des bruits de ce qui lui semblait être un renard. Quand
des mains agrippèrent violemment sa tête. Faisant face à Leonard, il n’eût pas
le temps de bouger un seul membre ni de se plaindre. Les mains de Leonard
prirent littéralement feu devant le militaire effaré, et ce feu, Leonard
le lui transmit. La tête de Blue Phœnix s’enflamma instantanément. Seulement sa
tête. Les autres derrières virent à quelques mètres dans la nuit une boule de
feu et comprirent qu’il s’agissait de leur coéquipier. Lorsqu’ils accoururent
pour le secourir, c’était déjà trop tard. Sa tête carbonisée brûlait encore. Il
n’y avait qu’une légère odeur de soufre. Il était tombé à genoux, les mains
ouvertes sur ses cuisses. Son arme tombée à côté de lui.
ADAM
Le lendemain de la visite à la ferme de
Sam Winter, Adam dans sa chambre, en colère, écoutait religieusement les
conversations de Lucie McRay au téléphone. Rien n’avait été trouvé à la ferme,
visitée de nuit, de fond en comble. Pas même Winter et sa fille, qui s’étaient
comme évaporés depuis quelques jours. Adam savait qu’ils étaient toujours à
Elegantville, mais ne savait pas où, et chez qui ils se cachaient. De même, il
était persuadé qu’ils étaient au courant de leur arrivée à leur ferme, et que
c’était donc pour cela qu’ils avaient préféré s’éclipser quelques jours avant.
Peut-être que cette infirmière qu’il avait croisé chez Lucie une fois ou deux
et qui s’occupaient de la fille de Winter l’avait prévenu…
En colère, il se leva de la chaise de
son bureau, enfila son manteau, ses potes et son bonnet noir, vérifia ses deux
armes qu’il portait constamment sur lui, puis ouvrit la porte, quand un son
étrange, provenant de la chambre de Lucie, attira son attention. La vieille
femme jouait de la harpe. Simplement, elle en jouait quasi parfaitement. Ce
n’était pas dans son habitude. Adam sentit en lui la colère monter de plus en
plus. Il grimpa les escaliers en quatrième
vitesse pour se rendre à l’étage, coller son oreille à la porte du petit
appartement aménagé de Lucie. Lucie qui jouait parfaitement de son instrument.
Sans temps morts, sans hésitations, sans faux mouvements. Adam défonça la
porte, en sueurs. Lucie sursauta en étouffant un petit cri. Elle se leva et vit
Adam Kadmon chez elle, en nage, et pendant un instant suspendu, irréel, ils se
regardèrent sans sortir un mot. Puis il avança vers elle, menaçant.
- Vous l’avez vue n’est-ce pas ?
A chaque pas qu’il faisait, la vieille
femme reculait, de plus en plus effrayée.
- De quoi… Vous voulez me parler M.
Kadmon ? Je ne comprends pas…
- Ne faites pas l’innocente Lucie, vous
l’avez vue ? Dites-moi où elle se trouve ? Elle est avec Sam
Winter ? Dites-le moi.
- M. Kadmon je vous en prie vous me
faites peur… Arrêtez…
- A combien de gens l’a-t-il
montrée ? A combien de personnes s’est-elle dévoilée ? Combien
d’habitants d’Elegantville ont-ils changé à son contact ?
Lucie s’assit à son boudoir pour
pleurer, terrifiée.
Adam sortit son silencieux et son arme.
Devant les yeux de la vieille femme, il vissait rapidement le silencieux, tout
en la fixant du regard.
- Inutile de pleurer comme une petite
fille, de toute façon vous allez mourir dans quelques instants dit-il. Allégez
votre conscience pendant qu’il en est encore temps Lucie. Vos origines
françaises ne vous sauveront pas cette fois.
Lucie essuya ses larmes avec ses
paumes.
- Vous l’avez vue aussi ?
Demanda-t-elle en levant des yeux rouges implorants à Kadmon.
Adam s’accroupit en face d’elle et lui
sourit.
- Oui il y a fort longtemps. Mais
quelle forme avait-elle pour vous ?
- Je peux m’allonger sur mon lit
maintenant ? Dit-elle abruptement, marquant ainsi son refus de répondre à
sa question.
Adam accepta. Juste avant de s’allonger
sur son lit, elle enfila un gilet pourpre, se recoiffa un peu, et arrêta son
horloge et son réveil sur sa table de chevet puis s’allongea. Adam visa son
front.
- Vous ne souffrirez pas dit-il
froidement.
Il tira immédiatement sur ses paroles,
puis se retourna, dévissant le silencieux de son arme de manière méthodique, en
ressentant sa colère apaisée alors qu’il quittait l’appartement de Lucie à la hâte,
laissant derrière le cadavre de la vieille femme encore chaud.
IXXI09021990
(…) L’histoire, de fait, nous donne une
liste impressionnante et non exhaustive d’incidents assurément qualifiables de
bizarres et hors-normes, tous s’étant déroulés à Elegantville ou dans ses
alentours :
-
Le 9 août 1899, après un orage particulièrement violent et abondant en éclairs
pendant une « sombre » matinée selon les déclarations des témoins,
des plumes blanches et argentées d’oiseaux inconnus pleuvent sur la moitié
d’Elegantville pendant plus d’une heure, à tel point que la population sort
dans les rues pour admirer le spectacle et ramasser les plumes par terre.
- Le 21 juin 1917, un fermier voit une de ses brebis mourir
en mettant bas à une créature difforme, à deux têtes et deux pattes arrière
énormes, aux membres avant atrophiés. Les deux têtes, celles de deux petits
agneaux normaux, étaient parfaitement développées. La créature était à moitié
en vie à sa naissance, aussi le fermier, épouvanté par la chose, a décidé de
l’abattre immédiatement.
- Le 14 janvier 1921, une femme égorge ses trois filles puis
tente de se donner la mort de la même façon. Sur son lit d’hôpital, agonisante,
elle écrira qu’un démon s’était emparé de son corps afin de commettre ce crime.
- Le 5 mars de la même année, une femme accouche de deux
sœurs siamoises par le bassin.
- Le 17 septembre 1928, un fermier retrouve sept de ses
vaches décapitées dans le pré où il les avait emmenées paître. Il a avoué
s’être assoupi un quart d’heure tout au plus et n’a absolument rien entendu de
particulier ce jour-là. Les têtes n’ont jamais été retrouvées. Les incisions,
selon le vétérinaire local, étaient remarquables de précision et de finesse.
- Le 2 août 1929, une pluie de grenouilles sur Elegantville
effraie ses habitants. Une pluie accompagnée d’un immense arc-en-ciel visible
pendant une bonne partie de la journée d’après les témoins.
- Le 6 mai 1935, découverte non loin de la mine, le cadavre
d’une créature ressemblant à une chauve-souris géante, de la taille d’un grand
rapace.
- Le 18 juillet de la même année, un homme prétend avoir vu
une créature humanoïde géante recouverte de poils noirs dans la forêt.
« Ses yeux étaient incandescents comme des braises dans une
cheminée » dixit le témoin.
- Le 4 août de la même année, le cadavre d’un ours est
retrouvé éventré et vidé de ses organes internes. A la place, le corps de
l’animal a été « rempli » avec toutes sortes d’herbes, de feuillages et
de fleurs fanées.
- Le 20 août de la même année, Christine Watkins, 5 ans,
disparaît lors d’une promenade familiale. Elle et sa famille traversaient juste
Elegantville pour la journée. La petite ne fût jamais retrouvée et l’on pense
même les années suivantes qu’elle ait pu se noyer dans l’étang de la ferme de
Jones. L’étang fut dragué, sans résultats.
- Le 21 décembre 1937, une neige rouge tombe pendant deux
heures sur Elegantville. Des analyses démontreront qu’il s’agit de neige
imbibée de sang, à priori humain.
- Le 15 février 1943, une météorite s’écrase dans le parking
du ElegantMotel tout juste ouvert. Des témoins accourent pour regarder la
pierre, mais ne voient qu’un résidu organique étrange et brunâtre qui s’évapore
rapidement. Une forte odeur de soufre incommodante, et « qui pique les
yeux » est relevée par les témoins.
- Le 8 avril 1951, un chat étrange est découvert dans les
poubelles du Joe’s Bar. Il possède des excroissances sur le dos, qui
ressemblent à des ailes lorsqu’on les déplie, bien qu’il s’agisse en réalité de
pattes supplémentaires difformes. L’animal est massacré à coups de pierre.
- Le 31 octobre 1957, Jones tue sa femme et ses deux filles,
avec son fusil, en visant systématiquement la tête. Jones choisit la pendaison
juste après pour lui-même. Quelques temps avant la tuerie, sa femme avait
raconté à une amie à quel point elle avait peur de son mari depuis que ce
dernier sortait tous les soirs avec un homme habillé tout en noir. Elle n’avait
jamais réussi à voir son visage mais il portait toujours un vieux chapeau
melon, démodé. Elle avait retrouvé son mari régulièrement se parlant à lui-même
dans la cuisine, dans le noir, alors que tout le monde dans la maison dormait.
- Le 18 octobre 1961, deux amies en voiture voient dans le
ciel, au-dessus de la forêt, un énorme objet triangulaire sombre, plus grand
qu’un Boeing 737 en position stationnaire. La nuit était éclairée, elles ont
parfaitement distingué les contours noirs de la chose, qui d’après elle,
semblait être une « machine ». Sa texture évoquait celle du cuir. Terrifiées,
elles ne sont pas restées à observer l’objet et voir ce qu’il allait
éventuellement accomplir comme manœuvre.
- Le 20 octobre, les deux femmes, ayant décidé de ne pas en
parler à qui que ce soit, ont eu la surprise de recevoir les visites chacune
respectivement d’agents (deux pour la conductrice, trois pour son amie, la plus
téméraire, qui voulait rester plus longtemps à observer le triangle) se
réclamants d’agences gouvernementales et souhaitant évoquer leur petite
aventure nocturne de deux nuits en arrière avec un objet triangulaire en
position stationnaire au-dessus d’une forêt. Les deux femmes ne se souviennent
que de la teneur absurde des questions, et non des questions elles-mêmes. Sauf
une seule : « Aimeriez-vous être enterrée à Elegantville lorsque
votre heure sera venue et si oui dans quel type de
cercueil ? »
-Après l’incendie du ElegantMotel le 14 décembre 1966, Dennis
Martin, 11 ans, disparu du jour au lendemain sans laisser de traces. Des
fouilles furent effectuées jusque dans les mines désaffectées, mais aucune
trace du garçon, qui s’était couché un soir dans sa chambre entouré de ses
parents pour… s’envoler dans les airs au petit matin lorsqu’ils étaient venus
le réveiller. Sans explications à ce jour. Dans les mines désaffectées, le
squelette d’une femme fût mis à jour lors des fouilles concernant le petit
Martin.
SAM WINTER & ADAM KADMON
Sam entra dans le Joe’s Bar, tenu par John, le fils de Joe, qui était mort dans son
jacuzzi d’une crise cardiaque à sa toute première utilisation, il venait de le
faire installer. John nettoyait le comptoir et vidait les cendriers. Leonard
buvait une bière, assit à une table, fixant une photo de Charlie Chaplin
accrochée sur le mur. Ce qui était tout à fait inhabituel. Leonard ne buvait
qu’au comptoir justement, jamais attablé. Sam alla s’asseoir à côté de lui et
vit qu’il était bouleversé. Jennifer entra à son tour une minute plus tard et
alla les rejoindre. De l’autre côté du bar se trouvaient Adam Kadmon & Bob,
qui lisaient des manuscrits. Adam avait remarqué le petit manège de Sam et ses
amis à la table à quelques mètres de la sienne. Il savait qu’il devait y aller
frontalement.
Jennifer se mit à pleurer en entendant
ce que Leonard avait à dire sur Lucie. Lorsqu’elle vit du coin de l’œil que
Kadmon s’était levé tranquillement, et qu’il s’approchait de leur table, elle
essuya très rapidement ses larmes. Adam, tout sourire, salua la tablée.
- Monsieur Winter est-ce que je peux
vous parler en privé ?
Leonard serrait les poings pour
empêcher que des étincelles ou des flammes ne jaillissent de ses paumes.
Jennifer n’avait pas relevé la tête pour regarder Adam. Tout ce qu’elle
entendait dans sa tête c’était « je vais tous vous tuer, tous, jusqu’au
dernier », elle semblait sur le point de craquer nerveusement.
Sam sans rien dire se leva et il suivit
Kadmon à l’extérieur du bar.
- Alors, vous avez bientôt fini votre
livre demanda Sam en regardant La Grande Ourse dans le ciel noir.
- Non, vous me décevez, vraiment. Vous
n’allez pas prétendre encore que vous ne savez pas qui je suis. Vous n’avez pas
disparu pour rien ces derniers temps. Je me demande quelle petite merveille
vous a mis la puce à l’oreille. Elle arrive à prévoir certaines choses, c’est
bien ça ? Donc elle réarrange au fur et à mesure. C’est le cadeau que la
bête lui a fait ?
Sam face à Adam resta le plus
impassible possible. Adam se rapprocha de son visage. Il sortit un bouton
métallique de sa poche.
- Où est-elle ?
- Qui ?
- La bête que vous cachez. Celle qui
est venue à vous il y a quelques mois lors de cette nuit d’orage. Dans
l’électricité.
- Je ne vois pas de quoi vous voulez
parler… Vous me parlez de votre histoire ? De votre roman ?
- Je vous donne une dernière chance,
Sam. Parce que je n’ai rien de personnel contre vous. Mais si vous voulez que
ça devienne personnel, alors ça va le devenir, dans la journée qui vient.
Le cœur de Sam semblait avoir remonté
dans sa gorge. Il avait de plus en plus de mal de cacher sa peur.
Il vit Adam faire léviter le bouton
métallique à quelques centimètres au-dessus de sa paume.
- Moi aussi je l’ai rencontrée il y a
longtemps. Elle m’a laissée ce cadeau autrefois. Il m’est resté. Le bouton
métallique retomba.
Adam mis sa main droite sur l’épaule de
Sam, qui laissa couler ses larmes, ne pouvant plus se retenir.
- Livrez-moi la bête maintenant, je la
prends avec moi et vous pouvez retourner à votre vie d’avant. Votre vie réelle,
votre vie normale. Je vous le promets, c’est une promesse solennelle que je
vous fais. Vous ne devez rien à cette bête. Elle n’est pas de notre monde Sam.
Elle n’est pas des nôtres. C’est la vérité et vous le savez. Vous n’avez pas à
la protéger simplement parce qu’elle vous a mis cette idée en tête. Je sais
qu’elle vous donne un sens, qu’elle donne un sens à ce qui est arrivé à votre
fille, cet accident terrible. Mais elle est dangereuse, dangereuse pour notre
monde, pour sa stabilité, son harmonie. Regardez ce qu’elle a fait à votre
Leonard, et ce qu’il a fait à l’un de mes hommes hier soir. Il lui a brûlé la
tête. Il l’a tué. C’était un père, tout comme vous.
- Non dit Sam. Je ne vous crois pas. NON !
- NON ? Alors tu me dis non en
pleurant comme une merde devant moi Sam Winter ?
- Vous avez tué Lucie !
- Ecoute Sam Winter, écoute-moi bien
attentivement. Tu viens de passer ta putain de chance. Ton putain de rêve que
je t’offrais, retourner à ta vie normale. Normale. Tu imprimes à présent ?
Mais là, je ne vais pas seulement décapiter et couper les mains de Leonard,
égorger ta petite infirmière après avoir laissé mes hommes s’amuser avec, ni
même tuer de mes mains nues ta gamine, je vais détruire Elegantville, tout
cette petite ville qui a perdu depuis longtemps tout ce qui était certainement
élégant chez elle avant et qui a poussé de braves esprits à lui donner ce nom.
Et tu sais quoi Sam Winter, le pire c’est que personne ne saura, à part toi,
parce que toi je te laisserai en vie, que cette petite ville tranquille a été rasée
par ta faute. TA FAUTE SAM WINTER.
Adam Kadmon rentra à l’intérieur du bar
après avoir frappé du bout de son index Sam au cœur.
Lorsque Sam y retourna, le suivant, ni
Kadmon et Bob, ni Leonard et Jennifer ne se trouvaient plus là. Sam demanda à
John qui nettoyait encore le comptoir, et qui vidait encore les cendriers où
ils étaient allés.
- Oh, Jennifer est sortie par la porte
de derrière à sa demande, le type qui était là à lire des papiers l’a suivie
sans me demander mon avis, Leonard est allé à sa poursuite à son tour. Et quand
l’écrivain est rentré, il est parti à la poursuite de Leonard. Mon comptoir est
bien propre et mes cendriers sont vidés, je vais pouvoir fermer dans quinze
minutes, enfin.
ELEGANTVILLE
Cachés dans la ferme abandonnée de
Jones, Sam retrouva sa fille, qui dormait emmitouflée dans plusieurs
couvertures. Il faisait très froid ici. D’après Leonard, l’endroit était
idéal pour se mettre à l’abri. Aymi
l’avait choisi mais Sam était bien obligé de reconnaître qu’il ne savait pas
pourquoi et après l’affrontement verbal au Joe’s
Bar, il ne savait plus trop quoi penser. Il avait autant froid que peur,
les deux se mélangeaient étrangement, et ce n’était pas le froid le plus
désagréable. Au pied du lit poussiéreux dans lequel dormait sa fille,
Sam
s’endormit, dans mille pensées confuses et contradictoires, en essayant de se
donner un peu de chaleur en croisant les bras. Comme s’il se réconfortait
lui-même.
Lorsqu’il se réveilla, Aymi était
debout avec Leonard. Une quinzaine de fermiers armés qu’il avait réussi à
convaincre de venir pour protéger Sam, Aymi et leur secret étaient également
présents. Voir le visage de Leonard fit chaud au cœur de Sam Winter.
- Tu as pu trouver Jennifer ?
- Non, dit Leonard. Elle a dû quitter
Elegantville je pense. L’autre était à ses trousses.
- C’était la meilleure chose à faire.
J’espère qu’elle va bien. Je sais qu’elle sait se débrouiller.
Des voitures militaires et des
camionnettes noires déboulèrent de l’autre côté de l’étang, en face de la ferme
fantôme. Sam les vit par la fenêtre brisée.
- Quoiqu’il arrive, restez derrière moi
dit-il à Leonard et ses compagnons.
Ils sortirent et Sam dit à Aymi de bien
rester derrière lui. Elle s’accrocha à sa main et se cacha à moitié le visage
pour regarder Kadmon et ses hommes sortir de la camionnette. Adam, avec son
porte-voix, fit une demande :
- Sam Winter, je vous donne une ultime
chance. Donnez-moi la bête maintenant et je vous épargne tous.
Votre
fille n’a pas à mourir aujourd’hui Sam.
Sam regarda Aymi qui lui fit non de la
tête. Il caressa son front qui n’avait plus de cicatrice.
C’est alors que Death Tango sortit d’une
des camionnettes noires semblables à celles que possédaient les nettoyeurs de moquette.
Il tenait Jennifer par la nuque, devant les yeux effarés de Sam, Aymi et
Leonard. Les amis de ce dernier reculaient de plus en plus, effrayés par
l’armement déployés en face d’eux.
Death Tango, de l’autre côté de l’étang
gelé, força l’infirmière à s’agenouiller.
- C’est vous qui décidez Sam. Quinze
secondes.
Jennifer avait les mains dans le dos et
était bâillonnée, elle ne pouvait pas parler. Elle pleurait et voyait Sam
cacher Aymi derrière lui.
A la dixième seconde, alors que Sam
allait dire quelque chose, Adam, excédé, jeta le porte-voix par terre et tira
dans la tête de Jennifer avec le fusil à pompe de Death Tango qui prit beaucoup
de plaisir à voir la jeune femme mourir grâce à son arme. Son sang éclaboussa
presque tout le monde, Bob y compris, qui parut dégoûté. De l’autre côté de
l’étang, tout le monde frémit d’horreur et le sang de Sam ne fit qu’un tour.
Aymi cacha son visage dans la manche de son père en pleurant. Tout le monde l’avait
vue, un morceau de son visage éclater dans une bouillie rouge, elle s’était
écroulée comme projetée violemment en avant, du sang coulant abondamment de son
visage décomposé, en morceaux, et de sa tête à laquelle il manquait une grosse
partie à présent. Sam serra sa fille de plus en plus fort contre lui.
Atomic Skull 666 ramena un bidon
d’essence et aspergea le corps chaud de Jennifer. Puis il sortit de sa poche
une allumette qu’il gratta sur son ceinturon. Le corps s’enflamma rapidement.
Adam ramassa le porte-voix et
cria :
- ELLE EST MORTE ET C’EST DE VOTRE
FAUTE SAM WINTER !!!
Deux hélicoptères noirs silencieux
survolèrent la ferme et les fermiers apeurés, pris sur le fait, déguerpirent. L’un
des hélicoptères commença à tirer jusqu’à exploser une grosse portion du toit pourri
de la ferme du vieux Jones. Sam avait porté Aymi pour la rapprocher de l’étang
gelé, en courant rapidement. Des portions de bois pourris s’envolèrent dans
tous les sens, littéralement déchiquetés par les balles et un énorme morceau de
poutre traversa le corps de Leonard qui n’avait pas bougé à l’arrivée des
hélicoptères. Le morceau se planta dans le sol si bien que Leonard était empalé
au thorax, et tenait toujours debout, penché. Ses mains s’enflammèrent une
dernière fois, tandis qu’il voyait par terre, un morceau de son cœur et une
partie de ses poumons, qui avaient dégouliné sur le morceau de bois qui
remplissait à présent toute sa cavité thoracique.
C’est alors que des arcs électriques
s’échappèrent du sol. Là où se trouvait le bunker. Adam sourit avec malice.
- Le voilà… c’est ça, montre-toi,
montre un peu comme tu es beau, même quand tu es blessé.
Les arcs électriques s’agrandissaient,
formant de petits tourbillons à la surface du sol. Sam poussa Aymi sur la glace
et la rejoignit rapidement, le sol s’électrisant. Mais ce n’était pas une
charge électrique normale. La porte du bunker s’envola, projetée par une force
à l’intérieur du bunker, et alla s’encastrer dans l’avant d’un des hélicoptères
qui explosa sur le choc et s’écrasa dans ce qui restait de la vieille ferme
abandonnée. La carcasse métallique, au cœur de la ferme au bois pourri, était
toujours en flammes alors que du ciel commençait à tomber une fine pluie qui
allait peut-être apaiser les esprits et leur soif de violence. Le second hélico
décrocha rapidement pour quitter la zone et ainsi échapper à cette électricité
inhabituelle. Un jet de lumière grandiose jaillit du bunker et se transforma en
boule d’énergie prodigieuse sur le sol. Une forme commença à apparaître.
Boitant quelque peu, à genoux sur les pattes avant, la bête se releva
immédiatement.
Le Pégase déploya ses ailes
majestueuses et commença à les battre pour préparer sa fuite. Ses yeux étaient
comme en feux.
Adam en avait les larmes aux yeux. Bob,
incrédule, prenait les photos et filmait la scène, de manière étonnamment
froide. Death Tango dit à ses hommes de retourner dans les camionnettes noires,
ce qu’ils firent sans prendre part à l’observation merveilleuse.
L’hélicoptère restant revint à la
charge, déboula alors au-dessus du Pégase avec vélocité et tira un filet énorme
sur la créature qui s’envola au même moment mais ne put l’éviter. Elle tomba,
prisonnière, sur l’étang gelé. La glace se fendit. Sam courut vers la créature,
poussé par son instinct. Le Pégase dans le filet menaçait de se noyer, si une
telle chose pouvait se produire. Ses yeux de lumière virent Sam arriver et
tenter d’enlever ce filet qui lui coupèrent les paumes des mains. Mais à la
seconde tentative, armé d’une volonté et d’une force qu’il ne se connaissait
pas, Sam déchira ce filet métallique dans un cri effroyable, au prix d’un
effort surhumain. La créature fantastique put s’envoler et s’enfuir rapidement
dans le ciel, comme si elle n’avait été qu’une hallucination collective en
somme. Son souvenir déjà, prêtait au doute et à la confusion. Sauf pour Adam
Kadmon, qui fou de rage, avança vers Sam et Aymi sur la glace instable et qui
se fissurait de toutes parts.
Sam qui s’apprêtait à retrouver sa
fille, retournée sur le rebord, s’enfonça dans la glace. Un morceau coupant se
planta dans son estomac alors qu’il s’enfonçait dans l’eau glacée. Son sternum
empêcha qu’il s’enfonce davantage. Il cracha du sang en quantité et la douleur
fût terrible. Adam marchait d’un pas calme en voyant Sam en train de se vider
de son sang et de ses intestins dans l’eau si froide de l’étang. Aymi rampa
jusqu’à son père en larmes. Le cadavre du cygne fût libéré et s’enfonça dans
l’eau en tournoyant sur lui-même. Peut-être un poisson difforme, tout au fond
de l’eau, là où il faisait sombre, allait s’en emparer.
Sur la portion de glace qui tenait,
Aymi pris le visage de son père ensanglanté dans ses mains. Le froid lui
plantait son intérieur comme de petites lames de rasoir, toujours plus
incisives. Sam recracha un peu de sang sur le visage de sa fille.
- Je suis désolé, dit-il d’une voix
très faible. Papa t’aime très fort. Très fort.
Aymi, qui n’avait pas retrouvé sa voix,
poussa un cri muet quand elle vit son père perdre son souffle et ses pupilles
se dilater complètement, en un claquement de doigts devant ses yeux. Sous la
glace, elle vit ses viscères qui flottaient délicatement dans l’eau, comme
l’avait fait avant le cou brisé du cygne mort. On aurait dit des vipères
majestueuses.
Elle déposa un ultime baiser sur les
lèvres ensanglantées de son père pour lui dire au revoir. Et peut-être aussi,
pouvoir encore sentir son odeur une dernière fois. Mais ce n’était que celle de
son sang, aride, qui envahissait ses narines et son esprit.
Adam l’attrapa violemment par le col de
son épais manteau et la tira sur les berges. Elle tenta de se débattre mais il
lui mit une gifle. Le corps de Sam ne bougeait plus à présent. Toujours empalé
dans le morceau de glace, éventré, la tête baissée. Il était devenu rapidement
bleu à cause du froid. Aymi dans la neige, la glace, la boue et le sang, en
larmes, le visage éclaboussé de l’hémoglobine de son père vit Adam Kadmon
s’assoir sur le sol, face au cadavre de celui-ci, barbotant dans l’eau à partir
de la taille. Adam le regardait, tout en pleurant doucement, tout doucement.
Parfois en essuyant ses yeux avec ses doigts. Puis reprenait ses sanglots
silencieux, comme s’il pleurait autant pour Sam que pour lui-même.
10 ANS PLUS TARD
Aymi sortait du magnifique chemin de
croix en compagnie du Pasteur. Ils avaient les bras chargés chacun d’un cageot
rempli de petits pots de géraniums. Ils croisèrent une femme noire, sans-abri,
qui avait des difficultés pour faire avancer son caddy. C’était parce que quelque
chose bloquait une roue. Un morceau de sac poubelle. Le Pasteur qui
accompagnait la très jeune femme posa le cageot sur le sol, et d’un coup de
main sec, enleva le morceau de sac poubelle qui empêchait le caddy de rouler en
ligne droite. La clocharde lui sourit tendrement, en dévoilant toutes ses dents
pourries, et lui dit merci. Elle reprit sa route, le dos courbé, mais avec la
roue de son caddy réparée. Elle ne peinait plus à le pousser désormais. C’est
là qu’Aymi vit dans la rue, appuyé sur une cadillac noire, un homme habillé dans
un costume bleu foncé. Malgré ses rides et ses tempes grises, elle le reconnu
tout de suite. C’était Adam Kadmon.
Elle dit au Pasteur qu’elle en avait
pour une minute, posa le cageot de petits pots de géraniums par terre et s’approcha
d’Adam.
- Bonjour Aymi. Comment vas-tu ?
- Bonjour M. Kadmon. Je vais bien. Cela
fait longtemps.
- Oui, combien de temps depuis la
dernière fois ?
- Trois ans, onze mois et quatre jours
dit Aymi.
- Tu étais là quand les tours sont tombées ?
demanda Adam, curieux.
- Oui mais j’ai vu tout ça à la télévision.
- Tu savais où il ne fallait pas se
trouver ce jour-là dit-il en souriant. Est-ce que tu sais ce que le site va
devenir dans le futur ?
- Il y a plusieurs possibilités
dit-elle. Vous le savez. Je pense qu’ils referont les tours.
- A l’identique ?
- Non, dit Aymi. Je vois un autre type
d’architecture à la place. Et un mémorial. Ils font toujours un mémorial. Un
peu comme le superbe mausolée que vous avez fait faire pour mon père à
Elegantville. Avec ce pégase taillé dans la pierre. Vous n’étiez pas obligé… Mais
pour les tours ici, cela mettra du temps à se reconstruire, une bonne quinzaine
d’années pour que tout soit terminé.
Adam baissa les yeux. Aymi se rendit
compte de ce qu’elle avait provoqué en lui.
- Je ne voulais pas vous rendre mal à
l’aise en évoquant mon père et le Pégase dit Aymi. Tout ça c’est du passé M.
Kadmon. N’est-ce pas ?
- Je me demande encore, sa force… ce
jour-là pour briser le filet à mains nues…
- Elle ne venait pas du Pégase comme
mon don ou le vôtre, ou celui de Leonard viennent de lui, M. Kadmon lui assura
Aymi en souriant. Sa force, elle est venue de lui-même. Le Pégase ne lui a
jamais transmis de don. Dans le cœur de mon père, il n’y avait rien que de la
tristesse, de la culpabilité, et de la force. Le Pégase n’était pas intéressé
par ces choses.
Les yeux d’Adam se remplirent de larmes
qu’il réussit à contenir. Aymi en fût profondément touchée. Alors, sans rien
ajouter de plus, elle lui fit une bise tendre et réconfortante sur la joue
droite, et s’en retourna ramasser son cageot rempli de petits pots de
géraniums.
FIN
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