mercredi 27 juin 2012

Safari [Nosfé]


Caché sous ce qui ressemblait à un grande fougère, perdu au milieu d'une forêt immense et luxuriante, il attendait, accroupi.
Il sortit un stylet en aluminium brossé de sa poche, et, ayant appuyé sur un bouton, celui-ci déroula un écran translucide sur lequel apparut, après un temps de chargement, "NO SIGNAL" en lettres rouges clignotantes. Un soupir; il appuya de nouveau sur le bouton, et l'écran se ré-enroula.
Il était pourtant certain de s'être rapproché du bunker, d'être revenu sur leurs traces. C'était la consigne en cas de problème, au cas où un des clients se retrouvait séparé du groupe : retour à la jeep ou au bunker.  
La jeep, il en venait. Le tout-terrain électrique avait explosé sous leurs pieds alors qu'ils roulaient tranquillement. Lui avait été éjecté, était tombé évanoui aussitôt. A son réveil, il était seul. Les autres voyageurs, les guides, tous avaient disparu. A son front, une belle entaille, saignant abondamment, qu'il avait couverte d'une de ces compresses désinfectantes fournie avec son barda.  
Il avait marché, seul, suivant la piste qu'avait empruntée la jeep. Une piste qu'il perdait, ne retrouvait pas, et il s'égarait. Et il ne captait toujours pas le signal de géolocalisation émis par le bunker.   
Un grondement sourd derrière lui, comme les échos d'une rythmique, et des bruits de craquements, semblant s'approcher. Inquiet, il se retourna, lentement, pointant son fusil à impulsion vers l'origine de ces bruits. A une cinquantaine de mètres de lui, avançant avec nonchalance, arrachant de-ci de-là quelques branches aux conifères environnants, un groupe de sauropodes , une demi-douzaine, lourds et placides.
Rabaissant son arme, il sortit de nouveau son stylet, déroula l'écran et, faisant apparaître un menu sur celui-ci, consulta l'horaire: 14 H 42. Cela faisait donc  deux heures qu'il était là, et encore vraisemblablement quatre autres heures à attendre avant que l'on ne s'inquiète, là-bas, de ne pas les voir revenir. Il rangea son stylet, se demandant au passage si on pouvait dire "là-bas" pour parler d'un ailleurs qui se situait près de 70 millions d'années dans le futur.

vendredi 22 juin 2012

Bob [Le Martien]








Bob






1      INTÉRIEUR JOUR - APPARTEMENT DE BOB - CHAMBRE          1

Le réveil affiche 8:08. Une main vient l’éteindre. BOB se lève de son lit.


2      INTÉRIEUR JOUR - SALLE DE BAINS                        2

Il entre dans la salle de bains, il se regarde dans le miroir, ouvre le robinet, recueille de l’eau entre ses mains et la jette sur son visage.


3      INTÉRIEUR JOUR - CHAMBRE                               3

Il met sa chemise, sert sa cravate, remet ses lunettes de la main droite, prend ses clés et sort de chez lui.


4      INTÉRIEUR JOUR - COULOIR IMMEUBLE                      4

Bob est très speed quand il sort de chez lui, il n’attend pas l’ascenseur qui peine à arriver, il descend les escaliers, attend que sa voisine âgée arrive en bas des marches, il la pousse et sort.


5      INTÉRIEUR JOUR - BUREAU                                5

BOB arrive à son entreprise. Il s’installe à son bureau sans que personne ne remarque son retard. Il remet ses lunettes de la main droite. Son COLLÈGUE le surprend par derrière. Il sursaute.

COLLÈGUE
Comment fais-tu pour arriver
toujours en retard alors que tu
es le mec le plus speed du
monde ?

Découverte [Hardkey]


Un jeune homme lisait un livre dans son fauteuil. Le titre de l’ouvrage était Philosophiæ Naturalis Principia Mathematica, d’Isaac Newton, et sur la première page on pouvait lire :
« Pour Bertie, de la part de Maurice »

Bertie était donc son nom. Il était absorbé par sa lecture, mais au bout de quelques minutes, il leva les yeux pour regarder l’heure.

23h30.

Il n’allait pas tarder à se diriger vers son lit. Mais tout à coup, le livre se mit à trembler. Les feuilles se détachèrent une à une et vinrent recouvrir Bertie, obstruant sa vue.
Il resta un moment sans bouger, puis entendit un bruit sourd, comme un boulet de canon s’écrasant contre le sol.

Alors, effrayé, il se dépêcha de se lever. Mais en se retournant, il remarqua qu’il se tenait sur une chaise en bois, au milieu d’un chemin de terre. Au-dessus du chemin se trouvait une inscription :
« Académie des sciences post-mortem :
Que nul n’entre ici s’il n’est scientifique. »

Manger = Pouvoir [Hardkey]

Jean étudiait les victuailles étalées devant lui : des tomates, du cheddar, de la moutarde, un pot de confiture à la rhubarbe et 4 patates douces. Ses talents culinaires étant somme toute assez modestes, il ne se sentit pas suffisamment courageux pour se préparer un plat avec des ingrédients aussi disparates. Sa main détacha une des tomates, et il croqua dedans, savourant la sensation de communion avec la nature que l'on éprouve quand on mange un fruit frais. A vrai dire,cette tomate avait été cultivée dans une serre artificielle dans le désert, amenée à Tunis à dos de chameau, transportée sur un bateau qui allait à Dunkerque en passant par Brasillia et New York, et aspergée de crème anti-âge pour la faire passer pour une belle tomate dans la force de sa jeunesse. Mais c'est l'intention qui compte. Jean donc mangeait sa tomate crue quand il entendit un bruit. Un bruit étouffé, venant de derrière-lui. Logiquement, il se retourna, pour tomber nez à nez avec un homme de 2,50 m, habillé d'un gilet violet, d'un pantalon bleu, et sur la tête un casque de chantier. Jean eut peur que ce ne soit un fou, puis il se rappela que la grande majorité de l'humanité avait des goûts vestimentaires de qualité douteuse. Ce qui ne changeait rien au fait que l'homme était un cambrioleur. C'était écrit sur son Badge : « Jean-René, maître-cambrioleur depuis 24 ans, donne cours à la Sorbonne de 8h30 à 10h00 le lundi »

L'expression de panique qui apparut alors sur le visage de Jean poussa son agresseur à l'agresser, ici en le poussant avec une force proportionnelle à sa taille. Alors qu'il volait à travers la cuisine tel un goëland urbain, Jean ne put réprimer une pensée pour son caniche, Rirififiloulou, qu'il avait fait envoyer en prison parce qu'il avait salopé son tapis.

« Si seulement je pouvais revenir en arrière, j'apprendrais que l'amitié peut tout pardonner » se disait-il. Et c'est sur ces paroles remplies de clichés désolants que notre héros s'apprêtait à tirer sa révérence. Mais alors que le sol de sa cuisine aurait dû lui briser la nuque, il atterrit sur une sorte de coussin. Un coussin qui était étrangement doux. Dans son cerveau s'enclenchèrent alors des connexions que le commun des mortels aurait pu définir comme inutiles, qui lui permirent de se rendre compte qu'il reposait … sur des patates douces !

La seule explication à cette incohérence était que les patates douces avaient voulu le protéger. Or les tubercules ne sont pas connus pour leur gentillesse. Ce qui signifiait que c'était Jean qui avait fait bouger ces légumes pour le sauver. Il pouvait donc probablement contrôler tous les aliments !

Comme venue des tréfonds de sa jeunesse, sa voix scanda : « Par le pouvoir de la moutarde ! ». Et d'un coup, la-dite moutarde sortit, fulgurante, de son pot pour foncer vers les yeux de ce pauvre Jean-René. Lequel, atteint d'une allergie peu connue, celle des condiments, s'éteignit dans des souffrances somme toute très supportables.

Se relevant, Jean sentit le pouvoir couler dans ses veines, tel du Coca, le boostant de manière incroyable, avant de lui laisser dans quelques années un diabète. Mais pour l'instant, il comprenait ce que ressentit Peter Parker quand il découvrit ses facultés hors du commun

C'est alors qu'une voix dans sa tête commença a parler. Sans ouvrir la bouche, car il est bien connu qu'un son indépendant n'a pas d'organe vocal. :
« Tu as le pouvoir, maintenant tu dois protéger la vie de tes compagnons, les aliments. »
L'intonation semblant menaçante, Jean décida de prendre quelques cachets de Schyzophine, médicament connu pour faire se taire les voix importunes. Jean se prépara un sandwich moutarde-tomate-rhubarbe, et alla alors se coucher, en se disant qu'il aurait bien le temps de se débarrasser du cadavre demain.
Alors qu'il dormait, notre infortuné héros n'entendit pas le dieu des Aliments l'apostropher violemment :
"Fils de Navet ! (le navet est considéré comme un paria chez les légumes). Ma vengeance sera terrible, assassin."

8 heures plus tard, ce cher Jean se réveilla. Il se sentait tout chose, et n'avait plus aucune sensation de ses bras et de ses jambes. A bien y regarder, il se sentait comme une sorte de bulbe. Autour de lui trônait un immense pot, avec une étiquette utilisant une police illisible, facétie de secrétaire. Jean se concentra et lut : « Moutarde. » C'est alors qu'il comprit. Il lui était arrivé la pire des choses en ce monde : il était devenu un légume. Il ressentait cette sensation d'être délicieux avec du sel et du pain beurré.

Et soudain, il se rendit compte que le seul mot auquel sa conscience accédait était : radis.

jeudi 21 juin 2012

Famille décomposée [Herr Mad Doktor]


Famille décomposée
Une pièce en IV actes
et XLII scènes

Personnages

L’Enfant, père du Vieillard.
Le Vieillard, fils de L’Enfant.
L’Adolescente Acnéique, épouse de L’Enfant et mère du Vieillard.
Le Premier Nourrisson, père de L’Adolescente Acnéique.
Le Beau jeune homme, arrière-arrière-arrière-petit-fils de L’Enfant et de L’Adolescente Acnéique.
Le Deuxième Nourrisson, version juvénile du Vieillard.
La Dame Entre Deux Ages, mère de L’Adolescente Acnéique, belle-mère de L’Enfant, grand-mère du Vieillard, et épouse du Premier Nourrisson.
Le Troisième Nourrisson, version juvénile de L’Adolescente Acnéique.
     Le Chrono-Cid, mystérieux terroriste anarchiste qui, pour passer le Temps, l’a tué.

lundi 18 juin 2012

Le jour où le Président m'a tué [Monty]



Je m’appelle Juan Milòn, originaire de Porto Rico, non je n’ai jamais mis un pied là-bas, non je ne parle pas Espagnol, non je ne suis pas tatoué, non je ne fais pas partie d’un gang. Je suis un Américain natif de Fairfax en Virginie ville qui appartient à la banlieue de Washington DC. Les latinos sont rares ici, le taux est plus faible que la moyenne nationale, on est dominés par les Afro-Américains. Mon enfance a été banale, j’ai fait quelques conneries, vandalisme, vol en superette rien de grave, un jour j’ai fait un doigt d’honneur à une prof. Je me suis calmé quand mon père a voulu me couper l’oreille pour me punir et me laver de mes péchés, j’avais 12 ans. Aucun rapport avec Van Gogh, je ne sais même pas si dans sa misérable vie il en a entendu parler.  Mes parents n’étaient pas trop porté sur la culture, ma mère passait son temps à l’église elle me demandait tout le temps de l’accompagner. Oui ma famille est croyante, donc fatalement je le suis un peu mais je trouvais ça trop long, mon père, lui restait devant la télévision à regarder les Washington Redskins en buvant sa bière. Il aurait voulu que je joue au football, ce n’était pas mon truc, j’étais plus attiré par la lecture, ce qui fait tache dans une famille pauvre, surtout pour se faire payer des études à plus de  10.000$ le semestre.

dimanche 3 juin 2012

Pow-wow [Nosfé]


Le soleil était haut dans le ciel quand nous arrivâmes au poste frontière, et il rayonnait sur la vaste plaine d'une chaleur bienveillante. 
Au loin, devant nous, s'étendait la cité des hommes blancs. De la pierre partout, s'édifiant en de grandes maisons, enserrant des enchevêtrements de rues sales et profondes. Des usines, dont les cheminées immenses couvaient des feux qui ne semblaient jamais devoir s'éteindre. L'homme blanc calculait le temps, m'avait-on dit un jour ; aussi était-il important pour lui d'aller vite, de ne pas s'arrêter, de ne pas se reposer. De ne pas cesser de tailler la pierre ou d'obscurcir le ciel.
Pittsburgh, tel était le nom de cette cité, semblant grouiller de cette vie d'insectes pressée.  
Ce matin-là, nous avions été réveillés à l'aube par des machines agricoles. Depuis plusieurs jours déjà, nous apercevions depuis notre chemin nombre de ces fermes, de ces grandes maisons de bois aux couleurs criardes, construites à l'européenne. Solitaires et dominantes parmi les champs où se perdait l'horizon.
La veille, nous avions, par mégarde, installé nos tipis sur les terres d'une de ces fermes, et lorsqu'au matin les ouvriers, des Cheyennes habillés à l'européenne, vinrent pour faire les moissons, chacun fut un peu surpris.  
C'était la première fois que moi, comme nombre des guerriers qui nous accompagnaient, voyions de tels hommes ainsi accoutrés, et suivant de tels engins mécaniques. Une moissonneuse. Un dragon de métal et de bois, crachant et fumant comme un millier de bisons. Une automobile aussi ; un de ces chariots qui se déplaçait de lui-même, mû comme par un sortilège quelconque. Un sortilège qui puait. 

Kriket et le sort interdit [Vinze]


Ce jour, il se leva inhabituellement à l'aube. Figurativement, bien sûr, le soleil ne se lève jamais en Enfer. Toujours le même réveil : la queue qui gratte et les cornes qui semblent pousser vers l'intérieur. Il se dirigea directement vers la salle de bain, il fallait remédier à son état. Il attrapa la bouteille d'eau de Cologne et l'avala en quelques goulées. Quelques gouttes d'alcool pour réveiller ses foies.
Il était pressé, son emploi du temps était chargé : une séance de trois heures de procrastination l'attendait. Il avait déjà repoussé la tâche à de nombreuses reprises et manquait désormais d'excuses. Mais il ne pouvait pas décemment sortir dans ses vieilles fringues fripées de la veille. Un démon de bon goût se doit d'avoir la classe en toute circonstance. Et chez Kriket c'était une question d'honneur. On peut être un pur salaud et avoir un style vestimentaire distingué. Il passa en revue les pantalons à patte d'éléphant de sa penderie. Il avait déjà porté du rouge la veille, reproduire la même couleur serait une insulte à la bienséance ; le bleu manquait peut-être un peu de paillettes ; il opta pour le vert qui mettait sa silhouette en valeur. Une chemise hawaïenne et une paire de lunettes de soleil à motif en étoiles complétèrent ses atours. Il s'observa bien dans son immense miroir. Ouais c'est bon t'as la classe ! S'adressa-t-il à lui-même, accompagné d'un clin d’œil et d'un claquement de doigts.
Il réalisa avec délectation que sa vie était un véritable Enfer.

samedi 2 juin 2012

Après la pluie (Lola) [Corvis]



APRÈS LA PLUIE (LOLA)
















SÉQUENCE 1 : EXTERIEUR (BORD DE LA NATIONALE)/NUIT

Il marche sous la pluie, sur le bord de la route, un sac de sport sur l’épaule, tendant son pouce quand une voiture passe. Il a 25 ans, mais ses traits sont tirés et son regard mélancolique.


SÉQUENCE 2 : INTÉRIEUR (HABITACLE DE LA VOITURE)/NUIT

Elle roule sur la nationale, sous la pluie, pleurant à chaudes larmes sans se retenir. Elle le voit faisant du stop et le dépasse. Après une ou deux secondes de blanc, elle freine, et s’arrête sur le bord de la route.

SÉQUENCE 3 : EXTERIEUR (BORD DE LA NATIONALE)/NUIT

Alors qu’il baisse son pouce après que la voiture l’ait dépassé, il l’entend freiner et s’arrêter une dizaine de mètres plus loin. Il hésite un instant, regarde autour de lui, puis se dirige vers la voiture en trottinant.

SÉQUENCE 4 : INTÉRIEUR (HABITACLE DE LA VOITURE)/NUIT

La voiture arrêtée, elle continue de pleurer, essayant de le faire silencieusement. Il apparaît à travers la vitre striée de gouttes et s’arrête devant la portière. Il l’ouvre, et se retrouve devant elle qui pleure, le regard perdu sur la route. Il marque un temps d’arrêt et jette par réflexe un coup d’œil aux alentours.

IL
Ca va ?...

ELLE
Monte, avant que je change d’avis. / Tu montes ou pas ?

Il s’exécute vivement, et referme la portière.

ELLE essayant de contrôler ses pleurs
Tu vas où ?

IL
Peu importe. La prochaine grande ville.

Elle jette un coup d’œil rapide vers lui, et démarre la voiture.

SÉQUENCE 5 : EXTERIEUR (BORD DE LA NATIONALE)/NUIT

La voiture s’éloigne sous la pluie.

SÉQUENCE 6 : INTÉRIEUR (HABITACLE DE LA VOITURE)/NUIT

Ils restent tout deux silencieux pendant un long moment. Il regarde tomber la pluie à l’extérieur. Elle essaie de sécher ses larmes et se concentre sur la route. De temps à autre, il tente de la regarder, puis détourne les yeux, gêné, quand elle s’en aperçoit. Alors qu’il regarde du coin de l’œil ses mains essuyer ses larmes, elle se calme peu à peu, et au détour d’un regard, lui adresse un sourire discret. Il pose sa tête contre la vitre, et regarde le paysage.

IL
J’étais avec une fille depuis 7 ans. Elle m’aimait vraiment beaucoup. Et ce soir, je suis parti. J’ai pris mes affaires, je lui ai expliqué que je pouvais plus continuer, que je m’étais rendu compte que je l’aimais plus depuis un bout de temps et que je voulais continuer ma vie sans elle, et je l’ai quitté. J’avais l’impression d’être seul, même à deux, alors je suis parti sous la pluie. La fin d’une histoire. Pas super cool.

Après quelques secondes, il porte son regard sur elle. Silencieuse, les yeux humides, elle reste concentré sur la route. Il repose sa tête sur la vitre.

ELLE
J’ai fait 5 heures de route juste pour être là à sa crémaillère. Conne que je suis, ça me faisait plaisir de le revoir. Monumentale erreur, forcément c’était une crémaillère de petit couple. J’en ai plus rien à foutre de lui, vraiment, je suis passé à autre chose, ça reste un beau souvenir, mais le voir avec cette pute d’Alice, tout content, sourire comme il a jamais souri avec moi, merde, je sais pas si c’est de l’orgueil, ça me rappelle que je suis toute seule, que je suis pas heureuse, et eux c’est le petit couple parfait, j’ai juste perdu quelque chose, et je l’ai jamais retrouvé depuis…

Après quelques instants de silence, elle tourne la tête vers lui, qui arbore un petit sourire amusé et ému.

ELLE
Quoi ?

IL
Rien, c’est juste que te voir parler autant tout à coup, ça fait bizarre.

Elle a un petit rire spontané entre deux sanglots et essaie de se calmer.




IL
J’ai mon permis, si tu veux reposer ta tête et tes yeux, je peux conduire, ça te ferait peut-être du bien.

ELLE
Non, ça va aller.

Après un instant, il commence à sortir des objets de son sac et ses poches et à les mettre dans la boite à gants.

ELLE
Qu’est-ce que tu fais ?

IL
C’est juste pour te prouver que je suis pas un serial-killer.

Elle se met à rire.

ELLE
Un vrai serial-killer a pas besoin d’arme.

IL
Je veux bien me couper les mains, mais ça servirait plus à rien que je te propose de conduire.

Elle rit à nouveau.

ELLE sincère
C’est très gentil. Mais je préfère me vider la tête.

Il acquiesce. Elle lui sourit et leurs regards se croisent un peu plus longtemps.

Ils restent silencieux à regarder la route.

Tout à coup, il se retourne vers elle, plein d’énergie, et commence à chanter « Ce rêve Bleu ».

IL exagérément lyrique et romantique
Je vais t’offrir un monde au mille et unes splendeurs, dis-moi princesse, n’as-tu jamais laissé parler ton cœur…

Elle est d’abord surprise, puis amusée par son interprétation caricaturale, et elle se prend finalement au jeu.

IL
… Au pays du rêve bleu…

ELLE enchaînant
Ce rêve bleu, je n’y crois pas c’est merveilleux…

Il ouvre de grands yeux, étonné de la voir enchainer de cette façon.

IL
Elle chante, et elle la connaît, c’est incroyable, mesdames et messieurs !

Elle rigole, et ils reprennent la chanson en cœur, le sourire aux lèvres.


SÉQUENCE 7 : EXTERIEUR (NATIONALE)/NUIT

La voiture continue sa route sur la Nationale, toujours sous la pluie.


SÉQUENCE 8 : INTÉRIEUR (HABITACLE DE LA VOITURE)/NUIT

La pluie s’est arrêtée. Elle roule toujours sur la Nationale, alors qu’Il s’est endormi contre la vitre. Elle semble apaisée. Elle reste silencieuse, le regard perdu sur la route. Doucement, sa main quitte le levier de vitesse et se pose sur la sienne. Après quelques instants, leurs mains s’étreignent.


SÉQUENCE 9 : EXTERIEUR (BORD DE LA NATIONALE)/NUIT

L’entrée d’une grande ville. La voiture s’arrête sur le bas-côté, et tout reste silencieux un moment, le silence seulement perturbé par le ronronnement du moteur.


SÉQUENCE 10 : INTÉRIEUR (HABITACLE DE LA VOITURE)/NUIT

Elle le regarde dormir sans un bruit, un sourire ému au bord des lèvres. Il a toujours la tête posée contre la vitre. Elle s’approche lentement de lui, l’étreint quelques instants, et pose un baiser sur son front. Puis elle le réveille doucement. Il ouvre des yeux engourdis et refait surface peu à peu.

ELLE lui montrant l’extérieur
La prochaine grande ville…

Il émerge, regarde autour de lui, la regarde.

IL
Je vais y aller alors…

Elle acquiesce en souriant. Il la regarde quelques instants, puis, sans un mot, ouvre la portière, prend son sac, et sort de la voiture. Il la regarde une dernière fois.

IL
Merci.

Elle sourit.

ELLE
De rien.


Il reste immobile une seconde, puis ferme la portière. La voiture démarre lentement, et il la regarde partir. Il reste planté là quelques secondes, et commence à partir en mettant les mains dans ses poches. Il s’arrête net au bout d’un pas, et sort un papier de sa poche. Il le déplie, et le lit. Il est inscrit : « Lola 0684214253 ». Après une seconde de surprise, il sourit, et regarde la route où s’éloigne la voiture de Lola.



FIN